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Une manifestation pro-Palestine à Paris, en 2014 - Image d'illustration - Jiel / CC BY-SA 4.0

Aucune boulangerie juive n’a été attaquée à Strasbourg pendant une manifestation pro-palestinienne

Création : 25 avril 2025

Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Léocadie Petillot, juriste et étudiante en journalisme au CFJ

Source : Compte Facebook, le 13 avril 2025

L’information, démentie à plusieurs reprises, a été largement reprise sur les réseaux sociaux. Dans les faits, si une altercation est bien survenue devant une boulangerie strasbourgeoise lors d’une manifestation pro-palestinienne, celle-ci n’est nullement liée à la confession de ses propriétaires.

S’il est conflit qui est source de haine et désinformations au-delà de son ancrage géographique, c’est bien celui de Gaza qui s’exporte sur les réseaux sociaux. Dernier exemple en date, certains participants à un rassemblement, à Strasbourg, en soutien au territoire palestinien ont été accusés d’agissements antisémites. 

« Actuellement, la boulangerie Dreher est prise pour cible par une foule d’islamistes palestiniens en colère car elle est considérée comme israélienne », assure notamment une publication Facebook, vidéo à l’appui. 

L’information sera notamment reprise sur X dès le lendemain de la manifestation, le 13 avril, par Aurore Bergé, la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Celle-ci se rétractera quelques heures plus tard, affirmant dans un autre message publié sur la plateforme que « la boulangerie n’a heureusement pas été prise pour cible comme la vidéo le suggérait. Je regrette de l’avoir laissé entendre ».

En effet, comme l’ont démontré rapidement plusieurs médias (Le Parisien, DNA, Ici, actuStrasbourg, Rue89), la tension perceptible sur la vidéo de la publication n’est nullement liée à la boulangerie elle-même ou à un lien avec la supposée confession de ses propriétaires. 

Une altercation devant la boulangerie

La boulangerie, explique notamment France Bleu, « a été fondée à Kehl, en Allemagne » et « n’est pas tenue par des juifs ». Les Dernières nouvelles d’Alsace (DNA) citent le patron de la boulangerie en ces termes : « On est une entreprise familiale de Kehl. On n’a aucun lien avec un quelconque conflit géopolitique. » Il n’y a « pas eu de dégâts », précise-t-il également au journal local. 

D’après les informations disponibles sur son site Internet, la famille Dreher a ouvert sa première boutique à Strasbourg en 2013.

Mais que s’est-il passé alors ce jour-là ? Contactée par Les Surligneurs, la préfecture du Bas-Rhin a confirmé les indications rapportées au Parisien : « Lors du passage d’une manifestation déclarée pro-palestinienne à Strasbourg, des personnes présentes en terrasse de la boulangerie Dreher (qui ne présente aucune distinction d’appartenance à la communauté juive) ont eu un geste de défiance et d’opposition à l’égard des manifestants, suscitant une réaction en retour. » « Le commerce n’a pas été visé en tant que tel », précise la préfecture. 

Des informations qui collent au déroulé des faits que l’on peut voir sur d’autres images prises ce jour-là, ou au récit décrit par le Collectif Strasbourg Palestine, l’organisateur de la manifestation, sur Facebook

Le Crif dément également

L’antenne locale du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) réfute elle-même la supposée agression à caractère antisémite contre la boulangerie. « Non la boulangerie Dreher n’est pas tenue par des juifs, elle n’a donc pas été victime d’une attaque antisémite et l’incident est clos ! », peut-on lire sur la page Facebook du CRIF Alsace qui dénonce par ailleurs « la banalisation de la violence et de la haine obsessionnelle d’Israël dans les rues de Strasbourg ».

« Les propos et agressions antisémites sont récurrents dans notre ville et dans notre pays : ils sont très graves et inacceptables. C’est pour cela que j’appelle toute personne qui dénoncerait ce type de propos ou d’agression à vérifier les faits avant de les dénoncer et à ne pas céder à la manipulation politique ou à l’instrumentalisation de l’extrême droite », a réagi, par voie de communiqué, Jeanne Barseghian, la maire de Strasbourg, deux jours après les faits.