Soutien financier de l’UE en faveur de l’Ukraine : “Ils ont raison, pourquoi se priveraient ils? Il n’y a pas d’opposition”.
Dernière modification : 3 avril 2024
Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle
Source : Compte Facebook, 22 mars 2024
“L’opposition”, dans les institutions européennes, s’entend d’un débat entre les Etats membres – toujours très âpre – et d’une approbation ensuite – loin d’être toujours acquise – par le Parlement européen et les parlements nationaux.
D’après un post très commenté et relayé sur Facebook concernant le soutien militaire et financier de l’Union européenne à l’Ukraine, les décisions prises par les Etats membres seraient actées sans opposition. Une affirmation évidemment fausse si l’on se fie aux usages communautaires.
Après le plan de relance post-Covid, les 27, sont-ils en passe de contracter un nouvel emprunt commun pour soutenir l’Ukraine militairement dans le conflit qui l’oppose à la Fédération de Russie depuis plus de deux ans ? Si le sujet est bel et bien sur la table, aucune décision n’a été prise en ce sens et les règles d’adoption en la matière sont strictes, bien loin des fantasmes autoritaristes.
Un débat qui ne fait que commencer
Un accroissement du soutien financier à l’Ukraine est mentionné dans les conclusions du dernier Conseil européen du 21 et 22 mars dernier. Le document de 15 pages indique, notamment, dans une formule alambiquée, que “Le Conseil européen a fait le point sur les progrès accomplis en ce qui concerne les prochaines mesures concrètes destinées à affecter au profit de l’Ukraine les recettes exceptionnelles provenant d’avoirs russes immobilisés, y compris la possibilité d’un financement du soutien militaire. Il invite le Conseil à faire avancer les travaux sur les récentes propositions présentées par le haut représentant et la Commission” Un langage, force est de constater, pour le moins feutré qui n’affirme en rien que les 27 sont prêts à souscrire à un emprunt commun. Et pour cause, le sujet est sensible politiquement. Si l’idée est soutenue depuis peu par certains États, elle l’est beaucoup moins par d’autres, opposés a priori à cette idée. La Hongrie et la Slovaquie, en particulier, ont déjà exprimé à maintes reprises par la voix de leurs chefs d’Etats (Viktor Orban et Robert Fico) leur réticence à soutenir davantage l’Ukraine. Aussi, l’article du journal Le Monde auquel se réfère le post Facebook précise que l’Allemagne et les Pays-Bas ne veulent pas “entendre parler de cette idée”. Difficile dans ce contexte de ne pas constater une “opposition” alors que le débat ne fait qu’émerger au sein de l’UE.
L’expérience démocratique du plan de 2020
Par ailleurs, l’expérience du plan de relance post-Covid, NextGénérationEU, doté d’une enveloppe de 750 milliards d’euros pour soutenir les économies affectées par la pandémie et adopté fin 2020 par les États membres, est en ce sens éclairant. Cet outil, unique par son ampleur et l’autorisation historique d’emprunt qu’il accordait à la Commission, a dû « être approuvé par tous les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles », détaille un communiqué de presse du Conseil en date du 17 décembre 2020. De fait, tous les parlements nationaux ont adopté le plan. Une reconnaissance parlementaire et démocratique par la preuve du vote qui repousse, là aussi, l’idée d’une Union européenne qui agirait sans opposition. En France, l’Assemblée nationale s’est notamment prononcée en faveur le 26 janvier 2021 avec 188 voix pour et 16 voix contre. Le Sénat en fit de même, quelques jours plus tard, le 4 février. Il ne pourra en être autrement d’un emprunt destiné à soutenir l’Ukraine.
Ainsi, si les États membres devaient bel et bien, dans quelques semaines, voire quelques mois, s’accorder sur un nouvel emprunt commun dans le cadre du soutien militaire à l’Ukraine, celui-ci serait soumis à n’en pas douter à d’âpres négociations aussi bien à l’échelon continental que national.
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