Sommes-nous légalement tenus de chauffer nos foyers à 19°C ?
Dernière modification : 13 octobre 2022
Auteur : Thomas Petit, Sciences-Po Saint-Germain-en-Laye
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng, Emma Cacciamani et Yeni Daimallah
Quoi qu’en dise le gouvernement, la règle des 19°C s’applique bien à tous les logements, et elle est impérative, et même sanctionnée pénalement. Reste qu’aucun agent n’ira relever les températures chez nous…
Rappels à l’ordre, contrôles, amendes voire la case prison ? Bien des idées fausses circulent autour de l’application de la consigne du “chauffage à 19°C” lancée par le gouvernement d’Elisabeth Borne, au sein de nos foyers. Il est important de faire le point sur cette réglementation et son impact sur nos vies quotidiennes. C’est sous la menace d’un hiver rigoureux et de réserves d’énergies limitées que la Première ministre établit une consigne générale : “la règle, c’est de chauffer à 19°C” a-t-elle déclaré sur BFMTV le 26 septembre 2022. Est-ce vrai ?
On mentionne la “limitation des températures” dans la législation pour la première fois en 1974. Alors que la France se trouve sous le coup du choc pétrolier de 1973, Michel d’Ornano, ministre de l’Industrie, met en place un plan d’économie d’énergie, dont un décret fixant la température moyenne des bâtiments à 20° C. Un arrêté de 1977 vint fixer, en plus de cette norme, une température moyenne de 22° C pour les locaux prioritaires, à savoir les hôpitaux et les lieux rassemblant des populations fragiles comme les enfants en bas âge ou les seniors. Cette limitation, qu’on croyait oubliée, n’a en fait jamais disparu. On l’a retrouvée d’abord dans le Code de la construction et de l’habitation en 1979, réduite à 19°C, puis elle a migré vers le Code de l’énergie, plus récemment, en 2015.
À qui s’adresse cette limite de chauffage à 19°C ?
Elisabeth Borne ne fait donc que rappeler la réglementation. Mais serons-nous tous obligés de nous chauffer à 19°C maximum, dans nos foyers ?
Le Code de l’énergie inclut dans la limite de chauffage à 19°C “les locaux à usage d’habitation, d’enseignement, de bureaux ou recevant du public et dans tous autres locaux“. Qu’entend-on précisément par “locaux à usage d’habitation” ? En février 2019, le Ministère de la transition écologique affirme qu’il s’agit des bâtiments collectifs avec un chauffage central. Mais rien dans le texte ne corrobore cette affirmation d’autant que les sous-section 1 et 2 qui précédaient l’article en question et visaient bien les “immeubles collectifs à usage d’habitation […]pourvu d’une installation centrale de chauffage“, ont été abrogés en juin 2021, laissant seule la consigne des 19°C, qui ne distingue pas entre les “locaux d’habitation“. Tous les locaux à usage d’habitation sont donc concernés à en croire la lettre des textes.
L’obligation de se chauffer à 19°C chez soi : partout et tout le temps ?
Si le texte évoque bel et bien “une température moyenne“ et ce “pour l’ensemble des pièces d’un logement“, toutes les pièces d’un logement n’ont pas à être à 19°C, les résidents peuvent chauffer plus la salle de bains par exemple, et moins les chambres.
De plus, selon le même texte, si un particulier s’absente entre un et deux jours, il est tenu de chauffer son logement à une température moyenne de 16°C. S’il est absent plus de deux jours, cette consigne s’abaisse à 8°C.
Un contrôle de la température des logements individuels est-il possible ?
La limite de 19°C est aussi assortie d’une sanction. Toute infraction expose l’intéressé à une contravention de 5ème classe, prévue par le Code pénal, soit 1500 euros d’amende. Pour autant, quel est le risque pénal à se chauffer au-delà de 19°C ? Verra-t-on des agents mesurer les températures moyennes des foyers français ?
Rien de tel n’est à l’ordre du jour, pour la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher : “l’idée est plutôt d’accompagner les foyers […] pas de faire la police des températures“. De toute évidence, les moyens humains pour de tels contrôles manqueraient. Il est fort possible que l’administration se borne au mieux à contrôler les entreprises ou les administrations.
D’autant que d’autres points restent en suspens. Les logements occupés par des personnes fragiles bénéficient d’une limite de chauffage différente. Comment déterminer au cas par cas si un foyer abrite des personnes fragiles ? En somme, cette obligation a peu de chances de faire l’objet d’une sanction réelle pour les particuliers, même si le gouvernement incite fortement les ménages à respecter cette limite.
Un texte obsolète ?
La limite de chauffage des foyers à 19°C est contestée. Le sénateur Laurent Lafon (Union centriste) en décembre 2020 et le sénateur Jean-Michel Arnaud (Union centriste) en juillet 2022, ont tous deux formulé des critiques conjointes, pointant des enjeux de santé et d’environnement : des bailleurs sociaux et propriétaires bailleurs appliquent strictement la limite des 19°C alors que leurs immeubles abritent des populations fragiles. En parallèle, les élus locaux ont rapporté que des pratiques détournant cette limite thermique se diffusaient, comme celle d’allumer la gazinière au lieu du chauffage.
Ainsi, les deux sénateurs réclament une actualisation de cette norme des 19°C, pour tenir compte des populations fragiles, des caractéristiques des logements, et aussi des différents types de chauffage (selon qu’ils soient plus ou moins polluants). Dans sa réponse officielle au Sénat de mars dernier, “le gouvernement n’envisage pas de modifier la réglementation actuelle sur la limitation de la température de chauffage des logements“.
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