S’il est élu, Éric Zemmour interdira les prénoms « non français », comme Mohammed
Dernière modification : 24 juin 2022
Auteur : Alex Yousfi, juriste spécialisé en droit privé
Relectrice : Charlotte Vincent-Luengo, doctorante en droit pénal et sciences criminelles, Université de Lille
Source : France 2 : On est en direct, Dimanche 12 septembre 2021, 4’33
Interdire un prénom au motif qu’il ait une origine étrangère constitue d’abord une discrimination en raison de l’origine, mais aussi une atteinte à la vie privée, et à la liberté de religion…. C’est beaucoup pour une seule réforme.
Eric Zemmour, polémiste, chroniqueur a été reçu sur le plateau de France 2 ce dimanche 12 septembre par Laurent Ruquier et Léa Salamé dans l’émission « On est en direct”. À cette occasion, il a proposé d’interdire les prénoms à consonance étrangère comme Mohammed. Il souhaite ainsi rétablir la loi de 1803 qui imposait de choisir les prénoms parmi les noms du calendrier chrétien ou parmi les noms des personnages connus de l’Histoire. Cette conception date du Concordat de Napoléon (1801) par lequel l’État rémunérait directement le clergé chrétien et juif. Mais le droit a évolué depuis…
Cette mesure créerait d’abord une discrimination entre les personnes d’origine française et les celles d’origine étrangère : les opinions et les choix des personnes ayant des racines étrangères auraient moins de valeurs que ceux des personnes aux racines françaises.
Ensuite, cette mesure porterait atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la convention européenne des droits de l’Homme. L’obligation pour les parents de choisir le prénom de leur enfant parmi une liste constitue une immixtion injustifiée de l’État dans la sphère familiale. C’est ce qu’à jugé la Cour européenne des droits de l’homme : “le choix du prénom revêt pour les parents un caractère intime et affectif et entre, par conséquent, dans la sphère de leur vie privée” (CEDH 24 octobre 1996). D’autant que l’attribution d’un prénom peut relever d’une tradition familiale (par exemple honorer les aïeux).
Enfin, cette interdiction porterait atteinte à la liberté religieuse, qui est constitutionnelle. Un prénom peut en effet résulter d’une tradition religieuse (comme justement Mohammed, mais aussi Marie, ou encore Esther, etc.). Interdire cette possibilité est contraire à la liberté de religion, comme au droit au respect de la vie privée… De plus, la loi de 1905 a mis en place la séparation des Églises et de l’État, qui interdit de lier l’état civil à un calendrier religieux, comme le calendrier chrétien.
Ajoutons à cela une difficulté d’ordre pratique, lorsqu’il faudra appliquer une telle loi ; il existe des prénoms très usuels comme Kévin, qui est d’origine gaélique : devra-t-on l’accepter ou le refuser ? L’interdiction voulue par le polémiste s’appliquera-t-elle uniquement aux prénoms répandus dans le monde musulman, ou visera-t-elle les Peter, Enrico, ou autres Killian ?
Éric Zemmour n’était pas joignable au moment de publier l’article.
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