Sera-t-il illégal d’accrocher des drapeaux palestiniens aux mairies le 22 septembre ?
Auteur : Guillaume Baticle, journaliste, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle, journaliste, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Source : Compte X de Bruno Retailleau, 15 septembre 2025
Emmanuel Macron doit reconnaître l’État de Palestine le 22 septembre. Dans ce contexte, Olivier Faure appelle les maires à hisser le drapeau palestinien. Si la justice a déjà interdit de telles initiatives locales, elle a toutefois admis qu’un affichage décidé ou encouragé par l’État, comme pour l’Ukraine, pouvait être légal.
À l’occasion de la reconnaissance de l’État de Palestine par Emmanuel Macron programmée le 22 septembre prochain, Olivier Faure a appelé sur son compte X à pavoiser les mairies françaises du drapeau palestinien.
Bruno Retailleau a répondu au patron des socialistes en lui rappelant « que la justice administrative a ordonné récemment, et à plusieurs reprises, le retrait de drapeaux palestiniens du fronton de mairies, au motif qu’ils portaient gravement atteinte au principe de neutralité des services publics ».
S’il est vrai que le juge a pu déclarer illégal le fait d’accrocher le drapeau palestinien — et israélien d’ailleurs — sur le fronton des mairies, il n’est pas aussi évident qu’il jugera de la même façon, si l’opération venait à être renouvelée le 22 septembre.
Le juge sanctionne les initiatives isolées des maires
Ce que le juge a sanctionné à plusieurs reprises, c’est l’« engagement politique ostensible de l’autorité communale ». Un conseil municipal ne peut pas, seul, décider d’afficher son soutien à une cause ou à une autre directement sur le bâtiment de la mairie, laquelle accueille un service public et doit donc respecter le principe de neutralité. C’est le principe posé par le juge.
Mais en droit, tout principe connait son exception, et le juge l’a aussi identifiée s’agissant du drapeau ukrainien, qui flotte pourtant sur un bon nombre de bâtiments publics en France depuis 2022.
L’initiative nationale de l’État validée
Le tribunal administratif de Versailles a jugé en 2024 qu’il était possible d’accrocher un drapeau ukrainien aux côtés des drapeaux français et européen. Pourquoi cette différence de traitement ?
Car l’initiative ne vient pas du maire d’une commune, mais de l’État, qui est le seul à décider de l’orientation diplomatique du pays. Selon le juge, « cette initiative [accrocher de drapeaux ukrainiens, ndlr], partagée par de nombreuses autres communes françaises et encouragée par le ministre alors en charge de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, ne saurait donc être regardée comme symbolisant la revendication des opinions politiques de son maire ».
Par conséquent, si, après la reconnaissance officielle de l’État de Palestine le 22 septembre prochain, le président de la République, ou le gouvernement, appelle à pavoiser les bâtiments publics d’un drapeau palestinien, ces actions ne seraient pas regardées comme illégales par le juge, car les communes concernées ne feraient qu’aller dans le sens de la diplomatie française.
Si aucun mot d’ordre n’est lancé dans ce sens, ce qui est probable pour des raisons politiques, il est bien plus difficile de prévoir la décision du juge. Ou du moins des juges, car chaque tribunal administratif amené à statuer sur les décisions des municipalités désireuses d’accrocher un drapeau palestinien aura sa propre vision de la question, avant que le Conseil d’État n’impose une vision commune à tous les tribunaux.