Non, il ne sera pas bientôt interdit de filmer les policiers
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Relecteur : Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal à l’Université de Lorraine
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Clarisse Le Naour, double cursus L3 science politique et L3 droit public à l’université Lumière Lyon II
Source : Compte Tiktok, 2 août 2025
Contrairement à ce qu’affirme une vidéo virale, aucun décret n’interdit d’enregistrer les forces de l’ordre : le ministère de l’Intérieur dément et le Conseil constitutionnel a déjà censuré une mesure similaire en 2021. Surtout, un décret ne peut créer de peines de prison.
D’après une vidéo relayée sur les réseaux sociaux, filmer des policiers lors d’un contrôle routier ou à proximité d’une manifestation pourrait désormais conduire tout droit en prison.
La séquence avance qu’un décret publié au Journal Officiel, et relayé par Le Parisien, interdirait tout enregistrement visuel ou sonore des forces de l’ordre. Le Conseil d’État aurait validé cette mesure, tandis que le Syndicat de la magistrature s’y serait opposé avec vigueur.
Une intox bien ficelée
Autant d’éléments et de sources évoquées qui donnent à cette affirmation une apparence de crédibilité. Pourtant, tout est faux. Après vérification sur le site du Journal Officiel et sur Légifrance, aucune trace d’un tel décret n’existe. Aucun avis ne figure non plus sur le site du Conseil d’État.
Aucune mention dans les colonnes du Parisien, ni même le moindre communiqué du Syndicat de la magistrature. Contacté par Les Surligneurs, le ministère de l’Intérieur confirme qu’aucun texte de loi ou décret de ce type n’a été adopté, ni même envisagé. « Pour l’instant, il est autorisé de filmer les agents de police, sans gêner leur intervention ni mettre leur sécurité en danger », précise la source.
Précision utile pour ne plus se faire avoir, un décret ne peut pas créer de peine de prison. Seule une loi aurait pu punir d’une peine d’emprisonnement le fait de filmer des agents de police.
Une interdiction déjà balayée par le Conseil constitutionnel
Mais une telle interdiction n’est pas près de voir le jour. En 2021, la loi Sécurité globale prévoyait d’incriminer « la provocation […] à l’identification d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de la police municipale, lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police ».
Une infraction assez floue sur les contours de la notion « d’opération de police » que le Conseil constitutionnel a censurée. Depuis cette loi, le projet d’interdire l’enregistrement des forces de police n’est pas revenu sur la table.