Selon Nicolas Dupont-Aignan,”il faut une négociation bilatérale complète, et il faut s’exonérer de la pression de l’Union européenne” pour régler la crise de la pêche avec le Royaume-Uni
Dernière modification : 24 juin 2022
Auteur : Lucas Fontier, master de droit international et européen, Université de Lille
Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au laboratoire VIP, Université Paris-Saclay
Source : BFM TV, le 31 octobre 2021
La France ne peut pas négocier seule un accord sur la pêche avec le Royaume-Uni, car cela relève des pouvoirs de l’Union européenne. C’est donc à la Commission européenne de trouver une solution, même si le gouvernement français, premier concerné, peut aider à y parvenir.
Nicolas Dupont-Aignan, président du parti Debout la France et candidat déclaré pour 2022, présentait dimanche son dernier livre au micro de BFM TV. Interrogé sur l’actualité internationale, il commente la dépendance de l’exécutif français à l’égard des instances de l’Union européenne dans la crise de la pêche, empêchant selon lui la résolution rapide du différend opposant les intérêts français à ceux des Britanniques. Il préconise donc une négociation bilatérale complète entre la France et le Royaume-Uni. Mais celui qui était candidat en 2017 fait fi de la réalité du droit qui s’applique à la France et à l’Union européenne, s’agissant notamment de la pêche.
La faculté pour un État membre d’engager des négociations internationales dépend de l’étendue des pouvoirs transférés à l’Union européenne dans le domaine principal de l’accord envisagé (voir le point 32 de l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne). En clair, le sujet principal ici avec le Royaume-Uni concerne la résolution des problèmes sur la pêche.
Or, en matière de pêche, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne indique que les États membres n’ont consenti qu’un transfert de compétences partagées. Une compétence partagée signifie que les États et l’Union européenne peuvent en principe légiférer tous les deux. Néanmoins, pour éviter que les uns et les autres ne se marchent sur les pieds et prennent des décisions contradictoires, une règle simple s’applique : dès que l’Union légifère dans un domaine, les États perdent la faculté de le faire. Autrement dit, dans un domaine de compétence partagée, la France ne peut agir que si l’Union européenne n’a pas agi. Il en va de même dès que la France veut négocier et signer un traité avec un État tiers (article 216 du TFUE) : si l’Union a déjà légiféré dans un domaine, la France ne peut pas négocier dans ce même domaine avec des États tiers.
Et en matière de pêche, l’Union européenne n’a pas manqué de légiférer en adoptant, entre autres, un texte instituant un régime commun d’octroi de licences de pêche. L’Union ayant légiféré sur les octrois de pêche, la France ne peut donc pas agir dans ce domaine. Mais, cette impossibilité n’est pas absolue : il reste possible de négocier dans le champ laissé explicitement à la compétence des États dans les textes législatifs européens. C’est par exemple le cas pour déterminer certaines formalités administratives mineures. La France ne peut donc pas négocier seule avec le Royaume-Uni.
Il y a par ailleurs des domaines où les États ne peuvent en aucun cas agir par eux-mêmes : c’est le cas des domaines relevant de la compétence exclusive de l’Union européenne, c’est-à-dire les pouvoirs transférés entièrement à l’Union comme par exemple le droit de battre monnaie. Si un domaine relève d’une compétence exclusive, les États ne peuvent ni légiférer sur le plan interne, ni conclure des accords sur le plan externe. Or, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (article 3) prévoit que la préservation des ressources biologiques de la mer – les quotas de pêche – et les accords commerciaux avec le reste du monde sont des compétences exclusives de l’Union. La France ne peut donc pas négocier avec le Royaume-Uni des concessions sur la conservation des ressources biologiques ou adopter seule des sanctions commerciales. Autrement dit, elle ne peut pas menacer le Royaume-Uni d’augmenter les droits de douane à l’importation de ses poissons afin qu’il respecte ses engagements : ce pouvoir revient exclusivement à l’Union européenne.
La France ne peut donc pas négocier seule avec le Royaume-Uni, sans l’Union européenne. Dans la suite de l’entretien, Nicolas Dupont-Aignan s’est montré favorable à une renégociation des traités européens pour rendre possible une négociation bilatérale complète malgré l’existence de la législation européenne sur la pêche. Or, la politique européenne de la pêche existe depuis 1957, c’est-à-dire depuis le traité de Rome qui créa la Communauté économique européenne, ancêtre de l’Union européenne. Vu l’ancienneté de cette politique, il faudrait que le président de Debout la France explique un peu mieux pourquoi il considère qu’elle n’est plus pertinente aujourd’hui.
Contacté, Nicolas Dupont-Aignan n’a pas répondu à nos sollicitations.
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