Selon Marine Le Pen, « Emmanuel Macron a même perdu son pouvoir de nomination du Premier ministre, qui s’est nommé lui-même »
Dernière modification : 31 décembre 2024
Autrice : Lucie Le Mer, master droit européen à l’UPEC
Relecteurs : Sarah Auclair, doctorante en droit, chargée d’enseignement à l’UPEC
Guillaume Baticle, doctorant en droit public, université de Poitiers
Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Marine Le Pen dans une interview au Parisien, le 17 décembre 2024
Marine Le Pen a affirmé que François Bayrou s’était « auto-nommé » Premier ministre, illustrant selon elle la fragilité d’Emmanuel Macron. Si la déclaration est avant tout politique, elle est juridiquement infondée : la Constitution réserve exclusivement au président de la République le pouvoir de nommer le chef du gouvernement.
Dans un entretien accordé au Parisien le 17 décembre 2024, puis relayé par plusieurs médias comme BFM TV, la présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen, a déclaré se préparer à une élection présidentielle anticipée en estimant que le chef de l’État serait dans une posture si délicate qu’il pourrait démissionner. Elle se préparerait à cette éventualité « compte tenu de la fragilité d’Emmanuel Macron, du peu de leviers institutionnels qu’il lui reste », s’est-elle avancé dans Le Parisien.
Preuve, s’il en faut, de cette précarité selon Marine Le Pen : le bras de fer entre Emmanuel Macron et son nouveau Premier ministre, François Bayrou, pour que ce dernier accède à ce poste. Elle estime qu’Emmanuel Macron « a même perdu son pouvoir de nomination du Premier ministre, qui s’est nommé lui-même. Il ne lui reste pas grand-chose ».
Nul doute que cette affirmation de la leadeuse du RN est surtout politique, mais elle a tout de même fait tiquer Les Surligneurs. Si on la prend au pied de la lettre, il faut rappeler qu’une telle « nomination par soi-même » du Premier ou de la Première ministre est inenvisageable sur le plan juridique. L’occasion de rappeler les règles d’une procédure bien encadrée.
La nomination du Premier ministre encadrée par la Constitution
L’article 8 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que : « Le président de la République nomme le Premier ministre ». Ainsi, aucun texte ne permet d’imaginer un Premier ou une Première ministre s’auto-nommer.
Cette disposition constitutionnelle est inéquivoque, seul le président de la République peut nommer le Premier ministre, sans condition juridique dictée par le texte. Cette absence de conditions confère une liberté au chef de l’État, qui se retrouve sans contraintes de délai, d’obligation de choisir par rapport au premier groupe à l’Assemblée nationale ou autres.
De fait, François Bayrou a été nommé par décret présidentiel en date du 13 décembre 2024 et, évidemment, rien ne suggère une quelconque intervention directe de l’intéressé pour s’auto-désigner.
La question d’une condition d’un soutien parlementaire demeure
Emmanuel Macron avait-il d’autres obligations pour nommer un Premier ministre ? Devait-il, par exemple, s’assurer un soutien parlementaire ? Si l’appui de l’Assemblée nationale peut être déterminant sur un plan politique (afin d’éviter une motion de censure prévue à l’article 49 de la Constitution), il ne s’agit pas d’une obligation légale au moment de la désignation du chef du gouvernement.
Le président de la République reste libre de son choix, comme le précise l’article 8 de la Constitution, signifiant que cette condition politique n’est pas obligatoire et ne peut pas être reprochée au moment de la nomination.
Cependant, le chef de l’État est tout de même garant de la stabilité des institutions, et ne doit pas nommer un Premier ministre qui risquerait de se faire renverser trop rapidement.
Cette procédure respecte donc pleinement l’article 8 de la Constitution. En conclusion, en droit, l’idée selon laquelle le Premier ministre se serait nommé lui-même est infondée. La déclaration de Marine Le Pen est un simple argument politique et non une réalité juridique.
Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.