Selon le Président Emmanuel Macron, l’asile doit être réservé aux “combattantes et combattants de la liberté, aux femmes et des hommes qui fuient la misère”
Dernière modification : 26 septembre 2022
Autrice : Tania Racho, docteure en droit européen, chercheuse associée à l’IEDP, Université Paris-Saclay
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Yeni Daimallah
Source : Discours du Président Emmanuel Macron aux préfets, 15 septembre 2022
Si le droit de l’asile permet d’accueillir en effet les “combattants de la liberté”, il n’est pas fait pour les gens qui “fuient la misère”. Lapsus du Président ?
Le Président s’exprimait lors d’une réunion de rentrée avec les Préfets, avec une présentation des objectifs de la future réforme sur l’asile et l’immigration, dont le dépôt du projet de loi a été annoncé pour début 2023. Pour mieux comprendre, la citation complète s’impose “Il faut préserver les droits fondamentaux de toute personne, et il faut pouvoir aller beaucoup plus vite avant toute chose pour lutter contre toutes les pratiques dilatoires parce que le phénomène que nous avons aujourd’hui, c’est que des femmes et des hommes utilisent la procédure d’asile dans laquelle quasiment tout le monde passe, mais du coup, font attendre des femmes et des hommes qui le méritent et sont vraiment des combattantes et des combattants de la liberté, des femmes et des hommes qui fuient la misère”.
Autrement dit et en plus court, l’asile ne concernerait que les “combattants de la liberté”, et les personnes qui fuient la misère. Or fuire la misère n’est absolument pas un motif d’obtention de l’asile.
Ainsi, seraient des “combattantes et combattants de la liberté”, par exemple, un journaliste ou une activiste des droits de la femme, qui peuvent effectivement être admis comme réfugiés, sur le fondement de la Constitution française (alinéa 4 du Préamble de la Constitution de 1946).
Il existe d’autres motifs, dits conventionnels, permettant d’obtenir l’asile. La France s’est ainsi engagée à respecter la Convention de Genève de 1951 qui prévoit notamment que peuvent justifier l’asile les persécutions liées à l’appartenance à un groupe social (selon l’orientation sexuelle, ou le genre, avec par exemple les femmes s’étant échappées d’un mariage forcé). Justifient également l’asile les persécutions en raison des opinions politiques ou de l’appartenance ethnique. Dans tous les cas, le demandeur d’asile doit donc avoir été persécuté (c’est-à-dire être victime de pressions, d’exclusions, ou de violences), ou craindre de l’être.
Le droit de l’Union européenne a ajouté la protection subsidiaire. Elle est accordée sous conditions lorsque le demandeur d’asile ne remplit pas les critères de la Convention de Genève. Il en va ainsi lorsque le demandeur ou la demandeuse risquent la peine de mort dans son pays (par exemple une condamnation à mort pour adultère). Le deuxième cas concerne le risque de torture ou de traitements inhumains ou dégradants, comme en cas de violences conjugales ou de conflits successoraux. Enfin, un troisième cas vise à protéger les civils fuyant des zones de conflit.
Le droit ne mentionne pas la misère comme motif d’asile
On le voit, la misère n’est aucunement mentionnée dans les motifs d’asile. Les gens qui fuient la misère relèvent en réalité du droit de l’immigration classique, et en l’occurrence l’immigration économique. Il est probable d’ailleurs que l’objectif du président – qui n’a pas répondu à nos sollicitations – était justement de réaffirmer que les “miséreux” ne sont pas supposés utiliser la demande d’asile pour se maintenir.
Quelques chiffres pour finir : en 2021 il y a eu 121 554 demandes d’asile. Les personnes qui demandent l’asile proviennent principalement d’Afghanistan, de Côte d’Ivoire, du Bangladesh, de la Guinée et de la Turquie. En 2021 toujours, 54 094 personnes ont été protégées, au titre de l’asile ou de la protection subsidiaire.
Contacté, Emmanuel Macron n’a pas répondu à nos sollicitations.
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