Selon l’ancien candidat aux législatives 2022 Jason Valente (Nupes), “Manifestation interdite… Cela n’existe pas en démocratie”
Auteurs : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Camille Devulder, master de droit public et études parlementaires, Aix-Marseille Université
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani
Source : Compte Twitter de Jason Valente, 31 octobre 2022
Si la liberté de manifester est protégée par la Constitution, elle n’est pas absolue et doit être conciliée avec les impératifs d’ordre public qui sont aussi un objectif constitutionnel, et avec les autres libertés.
L’ancien candidat de la NUPES aux législatives 2022 et Secrétaire départemental de Vienne (86), Jason Valente, s’est exprimé à la suite de l’interdiction par la préfecture des Deux-Sèvres de la tenue d’une manifestation contre les méga-bassines qui doivent y être mises en service. Malgré l’interdiction préfectorale, des milliers de manifestants s’étaient réunis samedi 29 octobre 2022, dont la députée EELV-NUPES, Lisa Belluco. Ces derniers ont été repoussés par les forces de l’ordre. Si on peut comprendre son émotion devant les images des manifestants stoppés par un important dispositif des forces de l’ordre, Jason Valente s’est fourvoyé en twittant qu’une manifestation interdite, “cela n’existe pas en démocratie”. Si le droit de manifester est un droit fondamental protégé, une manifestation peut tout à fait être interdite pour maintenir l’ordre public par un arrêté motivé.
Une liberté de manifester protégée mais pas absolue
La manifestation peut se définir comme une réunion organisée sur la voie publique ou un lieu public afin d’exprimer une conviction collective. Le droit de manifester n’est pas inscrit dans la Constitution, mais il est implicitement garanti par le droit européen, notamment, l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH). En droit interne, c’est l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 qui consacre la liberté de manifestation selon laquelle “nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi”. Cela signifie que si les autorités publiques estiment qu’une manifestation constitue une “menace grave à l’ordre public” elles peuvent l’interdire par un arrêté préfectoral.
Toutes les libertés cèdent face à l’impératif d’ordre public…
Par une décision dite Baldy de 1917, le Conseil d’État a jugé que les impératifs d’ordre public ne permettent de restreindre les libertés que si ces atteintes “s’avèrent strictement nécessaires pour assurer le respect de l’ordre public ou pour opérer une conciliation avec une autre liberté”. Louis Corneille, un des conseillers d’État jugeant cette affaire (donc ni le dramaturge, ni le chanteur), avait conclu que “la liberté est la règle et la restriction de police l’exception”. Ainsi, une interdiction de manifestation est tout à fait légale si cette mesure est proportionnée aux troubles redoutés, autrement dit s’il n’existe aucun autre moyen de prévenir ces troubles.
…Sous réserve de proportionnalité
Ce principe a été constamment réitéré, notamment avec la très célèbre décision Benjamin en 1933. Là encore, il s’agissait de concilier l’impératif d’ordre public et l’exercice des libertés publiques.
En somme, une manifestation peut tout à fait être interdite en démocratie, et au besoin dispersée, sous le contrôle du juge, qui pourra être saisi par les manifestants pour vérifier que cette mesure était bien indispensable. Et comme désormais le juge peut statuer en quelques jours (référé-liberté), il appartenait aux organisateurs de la manifestation interdite de la saisir contre l’interdiction préfectorale.
De façon générale en démocratie, il n’existe pas de liberté absolue, ce serait la négation de l’ordre public, mais aussi des autres libertés.
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