Selon la commission des lois du Sénat, l’inscription d’un droit à l’avortement et à la contraception dans la Constitution ‘’n’est pas justifiée par la situation rencontrée dans notre pays’’
Dernière modification : 5 juin 2023
Autrice : Emeline Sauvage, journaliste
Relectrice : Tania Racho, docteure en droit européen, chercheuse associée à l’IEDP, Université Paris-Saclay
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétaire de rédaction : Yeni Daimallah et Emma Cacciamani
La Commission des lois du Sénat a rejeté ce mercredi 12 octobre la proposition d’inscrire le droit à l’IVG et à la contraception dans la Constitution. Une proposition ‘’pas justifiée’’ selon les sénateurs.
Déception pour Mélanie Vogel, sénatrice Europe Écologie les verts (EELV), qui voit sa proposition d’inscrire dans la Constitution le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et à la contraception rejetée par la Commission des lois le 12 septembre et par le Sénat le 19 octobre. Si cette dernière a affirmé ne pas vouloir remettre en cause les lois Veil et Neuwirth, elle a jugé qu’il s’agirait surtout d’une ‘’démarche purement proclamatoire et symbolique’’. Or l’initiative de Mélanie Vogel avait pour but de verrouiller cet acquis social dont les expériences à l’étranger montrent qu’il est fragile.
Sacraliser le droit à l’IVG
Derrière le symbole, la nécessité, selon Mélanie Vogel, de créer une sorte de garde-fou, indifférent aux aléas électoraux.
Mais il est indéniable qu’inclure le droit à l’IVG dans la Constitution placerait ce droit au-dessus de la loi et donc des aléas liés à la composition du Parlement, car modifier la Constitution est bien plus difficile que modifier la loi (voir la procédure de l’article 89 de la Constitution). “Ce n’est pas pour afficher l’importance d’un droit, c’est pour empêcher en pratique des lois régressives”, a réagi Mélanie Vogel.
Les exemples extérieurs lui donnent raison : de 1956 à 1993, la Pologne avait, malgré son ancrage dans la tradition catholique, autorisé l’avortement sous certaines conditions. Cette position a ensuite reculé progressivement, jusqu’en 2020, année durant laquelle l’avortement devint interdit, sauf si la grossesse résulte d’un acte illégal ou s’’il présente un risque pour la vie de la mère ou de l’enfant”.
De même, la Cour suprême des États-Unis, en juin dernier, a supprimé la protection fédérale du droit à l’avortement. Cela n’a pas pour autant convaincu la Commission des lois en France. Le recul du droit à l’IVG aux États-Unis résulte d’une “organisation constitutionnelle propre aux États-Unis d’Amérique, très différente de celle de la France’’ a-t-elle indiqué dans un communiqué de presse.
La Constitution protège les droits sur la durée contrairement à la loi
Une chose est certaine, un droit inscrit dans la Constitution est bien plus difficile à remettre en cause qu’un droit résultant de la seule loi. Mais ce n’est pas au juriste de dire quel droit doit être inscrit dans la Constitution et quel droit n’a pas besoin de l’être.
La majorité au Sénat part du principe que l’IVG et l’accès à la contraception sont des droits acquis et qui ne nécessitent pas leur inscription dans la Constitution. Si aujourd’hui, une minorité de 31 % des Français jugent possible la “remise en cause dans un avenir proche en France” du droit à l’IVG, rien ne peut garantir, selon Mélanie Vogel, qu’un retour dans le passé est inenvisageable. Elle affiche ainsi son désaccord avec la majorité sénatoriale.
Cet article a été rédigé dans le cadre d’un événement organisé le jeudi 13 octobre, avec le soutien de l’OTAN, pour former les lecteurs des Surligneurs à la lutte contre la désinformation dans le domaine du droit.
L’activité proposée était un événement en ligne d’une journée sous la forme d’un “legalthon” consacré à l’État de droit. RESILEX visait à rassembler des chercheurs en droit, des étudiants, des personnes d’influence, des journalistes et le grand public afin d’améliorer la résilience de la société dans le domaine de l’État de droit et de la démocratie. Les participants ont surveillé l’actualité et ont repéré les informations erronées ou les approximations juridiques présentes dans les propos des personnalités publiques.
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Le 5 juin 2023, l’’explication de cet évènement a été modifiée dans le cadre de la mise en conformité des Surligneurs avec l’article 3.1.C du Code européen de fact-checking.
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