Selon Josep Borrell, “toute attaque nucléaire de la Russie contre l’Ukraine entraînera une réponse militaire des occidentaux”
Autrice : Lucia Naredo, Université Saint-Louis – Bruxelles
Relecteur : Timothée Ceurremans, assistant de droit européen, Université Saint-Louis – Bruxelles
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani
Source : La Libre, 17 octobre 2022
Suite aux menaces répétées de recours aux armes nucléaires, le Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a affirmé que toute attaque nucléaire russe entraînerait une “réponse militaire des Occidentaux”. Or, l’Union européenne, pas plus que son Haut représentant, n’ont de compétences en matière de conflits armés.
La représentation extérieure de l’Union européenne est un vrai casse-tête juridique. Alors que le Traité sur l’Union européenne (TUE) prévoit que le président du Conseil européen (actuellement Charles Michel) assure “la représentation extérieure de l’Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), sans préjudice des attributions du Haut représentant des affaires étrangères et de la politique de sécurité”. Le même texte prévoit que le Haut représentant représente l’Union européenne pour la PESC et conduit le dialogue politique avec les pays tiers. Ainsi, le TUE laisse une place prédominante aux dynamiques de pouvoir entre dirigeants européens et, en particulier, celles émergeant entre le Président du Conseil européen et le Haut représentant.
Dans cette mesure, lorsque Josep Borrell affirme que “toute attaque nucléaire contre l’Ukraine entraînera une réponse, pas une réponse nucléaire, mais une réponse militaire si puissante que l’armée russe sera anéantie“, il ne dépasse pas nécessairement le cadre de ses compétences, dans la mesure où son message n’implique aucune décision juridiquement contraignante et consiste plutôt en un dialogue politique avec les pays tiers.
En revanche, le Haut représentant de l’Union européenne ne dispose d’aucune base légale pour adopter une décision engageant les forces armées européennes contre l’armée russe en Ukraine. En effet, l’Union européenne – par la voie de son Conseil des Affaires étrangères qui doit statuer à l’unanimité – ne peut intervenir en dehors de son territoire qu’aux fins d’assurer des opérations de maintien de la paix, à prévenir les conflits ou à renforcer la sécurité internationale. Force est de constater qu’une intervention de la nature dont parle Borrell dépasserait le cadre des missions déjà entreprises sur la base de ces dispositions, qui visent principalement la prévention des conflits et le maintien de la paix par le biais d’assistance et de formation militaire. Le recours à la force militaire – antithèse de l’ambition pacificatrice animant l’intégration européenne – n’est même pas envisagé par les Traités. L’Union européenne ne pourrait donc pas intervenir en Ukraine comme Josep Borrell l’entend, ce dernier n’ayant ni la base juridique, ni les moyens ou l’opérabilité nécessaire.
En proférant des menaces envers la Russie, Josep Borrell ne fait cependant pas uniquement référence à l’Union, mais également aux Occidentaux, en incluant l’OTAN et les États-Unis qui disposent de davantage de moyens pour “anéantir l’armée russe”. Sur ce point, l’OTAN est le fondement de la défense collective des États membres et de sa mise en œuvre, créant par-là une complémentarité implicite avec le Traité de l’Atlantique-Nord. Complémentarité rappelée, au demeurant, très explicitement dans la récente “Boussole stratégique” qui concerne la stratégie de l’Union européenne en matière de défense. C’est donc l’OTAN seule qui peut décider d’intervenir en Russie.
Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.