Selon Gérald Darmanin, « La participation à une manifestation non déclarée est un délit, qui mérite une interpellation »
Auteur : Yoann Lamotte, Master de droit public parcours Etudes parlementaires – Etudes législatives, Aix-Marseille Université
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng et Yeni Daimallah
Source : BFMTV, 22 mars 2023
Le juge est clair : participer à une manifestation non déclarée n’est pas une infraction en principe. Mais participer à une manifestation interdite par l’autorité peut être une infraction si l’interdiction est dûment publiée.
Lundi 27 mars, à la suite du rejet de la motion de censure du gouvernement entraînant l’adoption du projet de réforme des retraites, des manifestations non déclarées ont eu lieu à travers le pays. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a déclaré le lendemain lors d’une conférence de presse “qu’être présent à une manifestation non déclarée est un délit qui mérite une interpellation”. C’est faux.
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi », selon la Déclaration des Droits de l’Homme et de Citoyen de 1789. Le droit de manifester est donc garanti dans un texte à valeur constitutionnelle, tant que celui-ci « ne trouble pas l’ordre public ». Pour cette raison, la loi prévoit différentes contraintes quant à l’organisation de manifestations.
Il est obligatoire de déclarer une manifestation
Le Code de la sécurité intérieure énonce que « sont soumis à l’obligation d’une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d’une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique. » La déclaration de la manifestation doit donc être effectuée par l’organisateur, au moins trois jours avant l’événement, en Préfecture de département ou en mairie. L’objectif de cette formalité est de garantir la sécurité des personnes et des biens, en permettant aux forces de l’ordre de sécuriser à la fois les participants à la manifestation et les tiers.
L’organisateur d’une manifestation non déclarée ou interdite s’expose à une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende.
Participer à une manifestation non déclarée n’est pas une infraction en principe
La Cour de cassation a clairement affirmé en 2022 « qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée ». Les participants à une manifestation non déclarée ne s’exposent donc à aucune sanction et ne sont pas dans l’illégalité, contrairement à ce qu’a affirmé Gérald Darmanin. Néanmoins, si la manifestation engendre un risque de trouble à l’ordre public, la force publique se réserve le droit après deux sommations de disperser les manifestants. Le fait pour un manifestant de continuer à participer à l’événement après les deux sommations constitue un délit passible, sans circonstances aggravantes, d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Ainsi, sauf trouble à l’ordre public, aucune interpellation n’est possible.
Participer à une manifestation interdite est une infraction
Le fait de participer à une manifestation non-déclarée est différent du fait de participer à une manifestation interdite. Cette hypothèse est celle où les organisateurs ont bien déposé leur déclaration de manifestation, mais en raison de risques de troubles à l’ordre public, le maire ou le préfet a pris la décision d’interdire l’événement en amont, par un arrêté publié et notifié aux organisateurs. Cela signifie que celui qui participe à une manifestation interdite ne peut ignorer cette interdiction. Il se met alors en infraction consciemment. Il faut bien entendu que l’arrêté d’interdiction ait été dûment publié (sur le site de la préfecture, recueil des actes administratifs), et au besoin affiché. Ces arrêtés sont aussi, désormais, postés sur les réseaux sociaux.
Indépendamment de toute déclaration préalable, le Préfet ou le maire peut aussi prendre un arrêté interdisant toutes les manifestations non déclarées, alors qu’elles sont en principe interdites puisque non déclarées. Cela s’explique par le fait que des organisations appellent à manifester, mais sans déclarer, comme cela a par exemple été le cas à Paris mardi 28 et mercredi 29 mars. Et dans ce cas, la participation à une manifestation interdite constitue une infraction, passible de 135 euros d’amende. Mais là encore, il faut que l’arrêté d’interdiction ait été publié et diffusé.
Contacté, le ministère de l’Intérieur n’a pas répondu à notre sollicitation.
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