Selon Éric Zemmour “il faut punir les familles des délinquants français en supprimant les allocations familiales”
Dernière modification : 21 juin 2022
Autrice : Clémentine Bos, étudiante, Master 2 droit pénal des affaires, Université de Toulouse, sous la direction d’Audrey Darsonville, professeure, Université Paris-Nanterre
Source : Cnews, Face à l’info, 2 décembre 2020, 16’
Supprimer les allocations en raison des actes délictueux d’un des enfants revient à punir toute la famille comme le veut Éric Zemmour, mais cela se heurte à la fois à la Constitution et à l’esprit même de ces allocations.
Interrogé par Christine Kelly à propos de la réforme sur la justice pénale des mineurs, Éric Zemmour a prôné une modification radicale des textes applicables en la matière, et notamment de punir les familles de délinquants en supprimant leurs allocations familiales.
Or, une punition a uniquement pour vocation de sanctionner un comportement jugé répréhensible par la loi. Elle vise la personne reconnue coupable pour ses actes, et n’a pas pour but de responsabiliser ses proches dans une optique de “punition éducative” selon les mots d’Éric Zemmour.
Punir des familles entières au seul motif qu’un des enfants a été condamné pénalement est problématique pour trois raisons.
D’abord, il s’agirait de punir des personnes pour des faits qu’elles n’ont pas commis, donc de condamner des innocents ce qui est contraire à l’un des principes fondamentaux du droit pénal qu’est la responsabilité du seul fait personnel. Issu des articles 8 et 9, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ce principe se résume simplement : “nul n’est punissable que de son propre fait”. Parce que les sanctions pénales visent un comportement personnel réprimé par la loi, elles ne peuvent être prononcées qu’à l’encontre de celui qui s’est rendu coupable de ce comportement.
Ensuite, dire qu’il “faut” punir ces familles laisse penser que la peine envisagée devrait s’appliquer automatiquement, chaque fois qu’un enfant est reconnu coupable. Or c’est contraire à un autre principe, celui de l’individualisation des peines (article 8, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen) : chaque punition doit pouvoir être adaptée par le juge au cas par cas, en fonction de l’affaire jugée.
Enfin, l’autre piste qu’Éric Zemmour semble avancer pour concrétiser son idée, serait de conditionner l’octroi des allocations familiales à l’absence de condamnation pénale des enfants. Il envisagerait ainsi une condition supplémentaire à l’octroi des aides financières : un casier judiciaire vierge pour les enfants du foyer. Aucune décision de justice n’a été rendue sur ce point précis, mais il paraît certain qu’insérer une telle condition dans la loi serait considéré comme contraire à la Constitution.
En effet, les allocations familiales ont été créées pour aider les familles à assumer la charge financière de leurs enfants. Fondées sur un principe de solidarité, elles n’ont pas vocation à être conditionnées au bon comportement des enfants. Elles reposent sur des critères légaux tels que la résidence en France et la garde effective de l’enfant, c’est-à-dire qu’elles bénéficient à celui des parents qui en assume la charge effective et permanente, indépendamment du reste. Cela signifie à l’inverse que la condamnation d’un enfant à de l’emprisonnement ferme sans aucun aménagement, pourrait seulement justifier, à la limite, une diminution des allocations familiales le temps de l’exécution de la peine, puisque cet enfant ne serait plus sous la garde effective de ses parents. En dehors de ce cas, créer une condition liée au comportement de l’enfant serait non seulement contraire au principe de personnalité des peines déjà vu, mais sans rapport et même contraire à l’objectif des allocations familiales qui est d’aider les parents dans l’intérêt de l’enfant.
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