Sébastien Chenu (RN) propose de constitutionnaliser le droit des étrangers en organisant un référendum
Autrice : Imane Lahmeur, master droit européen à l’université Paris-Est-Créteil (UPEC)
Relecteurs : Sarah Auclair, doctorante en droit public à l’UPEC
Guillaume Baticle, doctorant en droit public, université de Poitiers
Jean-Paul Markus, professeur de droit public, université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Sébastien Chenu sur BFM TV, le 10 janvier 2025
Outre l’imprécision d’une constitutionnalisation du droit des étrangers, un consensus devra effectivement exister parmi les parlementaires et les citoyens pour qu’une telle révision constitutionnelle voie le jour.
Le 10 janvier dernier, Sébastien Chenu, député et vice-président du Rassemblement national, était invité sur BFM TV. Interrogé sur la question migratoire, l’élu du Nord a plaidé pour une constitutionnalisation du droit des étrangers, par le biais d’un référendum.
Si on peut s’interroger sur la précision et l’utilité d’intégrer « le droit des étrangers » dans la Constitution, il faut aussi rappeler qu’une révision constitutionnelle a son lot de difficultés.
Comment est encadré le droit des étrangers ?
Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) régit aujourd’hui le droit des étrangers en France à travers plusieurs centaines d’articles. Ce droit est donc encadré par la loi. Dans ce cadre, l’idée de constitutionnaliser cette matière n’implique pas une réécriture complète du droit des étrangers, mais plutôt l’ajout de nouvelles dispositions au sein de la Constitution.
Ainsi, en 2023, une proposition de loi constitutionnelle portée par Bruno Retailleau et plusieurs sénateurs Les Républicains prévoyait l’inscription de principes nouveaux et d’une dizaine d’alinéas directement dans la Constitution, notamment l’exigence du dépôt des demandes d’asile depuis l’étranger ou, à défaut, l’examen accéléré des dossiers des personnes déjà présentes sur le sol français lors de leurs demandes.
Que changerait une réforme constitutionnelle ?
Modifier le droit des étrangers ne nécessite pas de révision constitutionnelle. Il relève du domaine législatif, comme le prévoit l’article 34 de la Constitution. La loi immigration de 2024, portée par Gérald Darmanin, en est la preuve : malgré des débats houleux et des ajustements, elle a profondément modifié le Ceseda sans toucher à la Constitution.
L’idée de « constitutionnaliser le droit des étrangers » reste floue. Faut-il inscrire des principes généraux, figer certaines règles ou imposer de nouvelles restrictions ? Sans définition précise, la revendication manque de clarté.
Quels obstacles juridiques à cette réforme constitutionnelle ?
Sébastien Chenu affirme vouloir effectuer cette réforme par référendum. Dont acte, mais cela devra passer par la procédure de révision de la Constitution, qui est prévue à son article 89. Une proposition de loi constitutionnelle, si elle est à l’initiative des députés du RN, devra être adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat en des termes identiques, ce qui peut être une difficulté en soi.
Seulement après cette étape, elle sera soumise à référendum. Mais une difficulté demeure : si la proposition du RN est incompatible avec d’autres principes constitutionnels, comme celui de solidarité nationale prévue dans le Préambule de 1946, le Conseil constitutionnel peut-il la censurer ?
Rien n’est moins sûr. En 2003, dans la droite ligne de leur jurisprudence, les Sages de la rue de Montpensier se sont déclarés incompétents pour contrôler une révision constitutionnelle. De plus, le Conseil avait déjà précisé, en 1992, que « le pouvoir constituant est souverain » dans la révision de la Constitution qu’il entreprend.
Le plus dur sera de convaincre à la fois les députés et les sénateurs, puis d’éprouver si les citoyens qui seront appelés aux urnes soutiennent effectivement cette proposition.
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