Anh De France, CC 2.0

#LegalCheck. Sarah Knafo (Reconquête) : « On propose de rétablir la supériorité de nos lois sur les textes européens en modifiant l’article 55 de la Constitution »

Création : 7 juin 2024

Autrice : Amandine Tochon, master droit de l’Union européenne à l’Université de Lille

Relecteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Source : Compte X de Sarah Knafo, 3 juin 2024

Modifier la Constitution ne suffit pas à faire primer la loi nationale sur les lois européennes sauf à accepter l’idée d’un Frexit juridique, ou, de façon moins radicale, à négocier avec les autres membres des réformes de l’Union européenne. Autrement, la France se verrait infliger de lourdes sanctions pour non-respect du droit européen.

Le 3 juin 2024, dans un message publié sur le réseau social X, Sarah Knafo candidate aux élections européennes sur la liste Reconquête, déclarait « Nous proposons de rétablir la supériorité de nos lois sur les textes européens en modifiant l’article 55 de la Constitution ». Ce ne sera pas suffisant, et la France sera sanctionnée.

L’article 55 de la Constitution établit le principe de la primauté des traités internationaux sur le droit interne. Il prévoit que les traités internationaux ratifiés par la France ont une autorité supérieure à celle des lois nationales. Cela signifie que, en cas de conflit entre un traité international et une loi nationale, le traité l’emporte. Ainsi, pour que le droit national prime sur le droit international et non l’inverse, il faut modifier l’article 55 de la Constitution.

La révision de la Constitution : un processus long et complexe

Modifier l’article 55 de la Constitution implique de réviser la Constitution en suivant la procédure prévue à l’article 89 de la Constitution. Pour cela, un projet de loi constitutionnelle peut être initié par le Président de la République ou les membres du Parlement. Ce projet doit être adopté en des termes identiques par les députés et les sénateurs. Il est ensuite, soit soumis au référendum, soit au Parlement réuni en Congrès à Versailles. Pour être adopté définitivement, il doit être voté par au moins trois cinquièmes des députés et des sénateurs. Cette étape peut être difficile en raison des divergences politiques et des intérêts en jeu.

La modification de l’article 55, une modification nécessaire, mais pas suffisante

Pour rétablir la supériorité du droit national sur les textes européens, modifier l’article 55 de la Constitution ne suffit pas. Une autre disposition constitutionnelle, l’article 88-1 prévoit la primauté du droit européen et devra être modifié ou abrogé. De plus, le Conseil constitutionnel a fait du respect de la primauté du droit européen une exigence constitutionnelle, dans une décision du 10 juin 2004.

Des modifications qui impliquent de sortir de l’Union

La liste Reconquête propose la primauté du droit national, mais sans exiger la sortie de l’Union européenne. Or, l’adhésion à l’Union s’accompagne de l’obligation d’appliquer ses règles, dites “supranationales”, qui ont précisément vocation à prévaloir sur le droit national dans le but d’harmoniser les législations nationales. C’est le principe même des traités qui ont créé l’Union européenne, lesquels ne sont jamais qu’un contrat entre États. Or, un contrat se respecte.

Les traités régissant l’Union européenne mettent en place ce qu’on appelle un ordre juridique autonome : des “lois” européennes (des directives, des règlements), et les traités eux-mêmes, tous ces textes primant sur la loi nationale, comme le martèle la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) depuis une décision de 1964, et comme l’ont reconnu les États membres en 2007 en signant unanimement une déclaration en ce sens.

Rester dans l’Union sans respecter la primauté des textes européens est incompatible avec le droit de l’Union. Cela exposerait également la France à de lourdes amendes pour manquement à ses obligations européennes, comme ce fut le cas en 2004 lorsque la CJUE a condamné la France pour ne pas avoir appliqué les directives sur les OGM. À titre d’exemple, la Pologne doit payer depuis 2021 des astreintes journalières d’un million d’euros (réduites de moitié depuis) jusqu’à ce qu’elle se mette en conformité avec le droit européen.

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