Refus d’obtempérer, légitime défense : quand un policier peut-il utiliser son arme ?
Dernière modification : 1 juillet 2022
Autrice : Laurène Blanquefort, master de droit européen des affaires, Université Paris-Est-Créteil
Relectrice : Audrey Darsonville, professeure de droit pénal, Université Paris Nanterre
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Charles Denis et Yeni Daimallah
On entend souvent l’expression “refus d’obtempérer” lors de confrontations entre la police et des conducteurs, ce qui peut entraîner l’usage de leurs armes par les forces de l’ordre, justifié sous conditions précises. Examinons les hypothèses.
La Défenseure des droits s’est récemment saisie de trois dossiers concernant l’usage de leurs armes par les forces de l’ordre suite à des refus d’obtempérer en région parisienne qui ont eu des conséquences tragiques. Les faits remontent respectivement au 26 mars, au 24 avril et au 4 juin, dates auxquelles les conducteurs ou passagers sont décédés des tirs des policiers. Il faut rappeler néanmoins que Les Surligneurs n’ont pas eu accès au dossier, seule la justice a donc connaissance des faits. Rappelons au moins le cadre légal de l’utilisation de leur arme par les forces de l’ordre, afin de mieux comprendre les débats sur la légitime défense des policiers et le refus d’obtempérer.
Le refus de se soumettre à un contrôle de police
Il peut arriver qu’un conducteur refuse de se soumettre à un contrôle de police et cela est qualifié de refus d’obtempérer. Cette première situation est définie par le Code de la route comme le fait pour un conducteur de ne pas obéir à une sommation de s’arrêter d’un policier muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité. Il faut donc que l’agent soit identifiable en tant que membre des forces de l’ordre, et que la sommation de s’arrêter soit, selon la jurisprudence, sans équivoque de sorte que le conducteur comprenne qu’il s’agit d’un contrôle de police. Le refus d’obtempérer est puni de deux ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
Ce type de refus d’obtempérer fait partie d’un ensemble d’infractions dites d’opposition au contrôle des forces de l’ordre, qu’on ne confondra pas avec le délit de fuite ou encore le refus de vérification de l’état alcoolique. Selon un rapport de l’Observatoire interministériel de la sécurité routière, ces différentes oppositions au contrôle se produisent en moyenne toutes les 15 ou 20 minutes en France.
Au delà du refus d’obtempérer, il existe d’autres situations dans lesquelles les forces de l’ordre peuvent faire usage de leur arme : l’atteinte ou la menace sur leur vie ou à leur intégrité physique ou celle d’autrui et le risque de réitération dans un temps rapproché de meurtres ou tentatives de meurtres venant d’être commis. On pense alors aux attentats comme la France en a connus.
La réaction des forces de l’ordre
En réponse à un refus d’obtempérer, les forces de l’ordre peuvent faire usage de leur arme sous certaines situations précises. Le Code de la sécurité intérieure prévoit que les agents de police, identifiables, “peuvent […] faire usage de leurs armes en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée”. Parmi les situations prévues par ce texte il y a notamment le fait pour les forces de l’ordre d’être dans l’incapacité d’immobiliser une personne autrement que par l’usage des armes, ce qui peut être le cas lorsqu’un conducteur n’obtempère pas à l’ordre d’arrêt et représente un risque d’atteinte à sa propre intégrité physique ou à celle d’autrui.
Le code pose ainsi trois conditions pour les forces de l’ordre : être identifiable, se trouver dans une situation d’absolue nécessité et agir de manière strictement proportionnée. Chaque fois qu’il y aura une enquête en raison de tir des forces de l’ordre, il faudra vérifier au cas par cas si la situation était d’absolue nécessité et leur réaction strictement proportionnelle. Par ailleurs, le juge ajoute comme exigence le caractère actuel de la menace.
Le cas de la légitime défense
Outre les cas d’autorisation de faire usage de leur arme, les agents de la police nationale bénéficient également de la justification par la légitime défense. La légitime défense fait partie des faits que l’on appelle “justificatifs”, c’est-à-dire susceptibles de justifier une infraction, comme le fait de tirer, en cas de nécessité. Effectivement, lorsqu’un fait justificatif est démontré, l’auteur d’une infraction (par exemple tuer ou blesser par balle) n’est pas tenu responsable et ne pourra pas être puni du fait de cette infraction.
Mais tout n’est pas légitime défense : il faut une atteinte injustifiée envers l’agent ou autrui, qui oblige à accomplir dans le même temps, un acte commandé par la nécessité, mais qui doit rester proportionné à la menace (on ne tire pas par exemple sur une personne non armée). On retrouve bien les critères précédents de nécessité, du caractère actuel, et de la proportionnalité.
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