Réforme judiciaire au Mexique : quand les juges sont élus par le peuple
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Très bientôt, tous les juges mexicains, de la Cour suprême au tribunal local, seront élus par le peuple. L’élection de juges n’est pas nouvelle dans le monde, mais ce qui est inédit, c’est la généralisation de cette élection à tous les magistrats.
Révolution au Mexique ! Le Sénat a adopté, le 11 septembre dernier, une loi qui secoue le monde judiciaire. Parmi les mesures phares de cette réforme, la désignation des juges par le vote populaire.
Le président de la République, Andrés Manuel López Obrador (“AMLO”), qui a porté cette réforme, considère qu’elle permettra de lutter contre la corruption de la justice. Un avis loin d’être partagé par tous. Alors, pour mieux saisir les tenants et les aboutissants de cette loi, les Surligneurs se sont penchés sur les changements que va provoquer cette réforme, inédite dans le monde.
Comment étaient désignés les juges mexicains avant ?
S’agissant des juges de la Cour suprême, l’article 96 de la Constitution politique des États-Unis du Mexique, encore en vigueur, prévoit qu’ils sont nommés pour quinze ans selon les modalités suivantes : le président de la République propose au Sénat une liste de candidats sur le poste vacant. Les sénateurs ont trente jours pour en choisir un dans la liste, à la majorité des deux tiers des sénateurs présents. Passé ce délai, le Président choisit lui-même un nom parmi ceux de la liste.
Si les sénateurs ont rejeté tous les candidats dans le temps imparti, le Président leur soumet une nouvelle liste. Si le désaccord persiste, le Président désigne lui-même, au sein de cette liste, le magistrat.
S’agissant des juges des autres tribunaux, l’article 97 prévoit qu’ils sont désignés et affectés à une zone géographique par le Conseil de la Magistrature fédérale.
En quoi consiste la réforme ?
La réforme judiciaire promulguée ce dimanche bouleverse totalement le mode de désignation des juges, de la Cour suprême comme des autres tribunaux.
Ceux-ci seront désormais élus par le peuple, lors d’élections qu’il faudra organiser. La réforme va également réduire le nombre de juges à la Cour suprême, passant de onze membres à neuf, et raccourcir leur mandat de quinze à douze ans.
Selon Jimena Reyes, avocate et membre de la Fédération internationale pour les droits humains, cette réforme pourrait, à rebours de ce que souhaite le Président mexicain, aggraver la corruption du système judiciaire. Elle craint une atteinte à l’indépendance de la justice du fait de la politisation des juges et de la course à l’élection.
Est-ce vraiment une nouveauté ?
Faire élire les juges, cela se fait déjà ailleurs. L’État étasunien de l’Oregon prévoit l’élection des juges qui relèvent de l’État (Article VII, Section 1 de la Constitution de l’Oregon). Il en va de même pour l’État de Pennsylvanie (Article V, Section 13 de la Constitution de Pennsylvanie). C’est le cas aussi de la Bolivie qui élit les juges des plus hautes instances au suffrage universel direct. En Europe, les juges de certains cantons suisses, comme celui de Vaud, sont élus par les membres du Grand Conseil, le Parlement cantonal : une élection indirecte cette fois.
Si le principe de l’élection de juges n’est donc pas nouveau, le fait de porter cette élection à tous les échelons du système juridictionnel mexicain, et ce, même pour le juge des affaires courantes du tribunal local, est inédit. C’est cette généralisation qui est révolutionnaire.
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