Quiz : Réunions politiques à l’université : liberté et limites
Dernière modification : 26 avril 2024
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle
Les récents incidents autour des réunions politiques organisées par des associations étudiantes sympathisantes du mouvement LFI nécessitent une explication sur la liberté de réunion publique au sein d’une université. Une liberté assez large, mais avec quelques limites pas toujours faciles à définir.
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Est-il possible pour les étudiants (ou leurs associations) de tenir une réunion politique dans un amphithéâtre universitaire ?
L’article L. 811-1 du code de l’éducation dispose : « Les usagers du service public de l’enseignement supérieur (…) disposent de la liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels (…) ». Des locaux sont mis à leur disposition, qu’il s’agisse d’une salle ou d’un amphithéâtre. La réponse est donc oui, mais uniquement pour les étudiants. Le corps enseignant ne saurait en faire de même dans le cadre de leur mission.
Cette liberté s’exerce toutefois moyennant autorisation, afin que soit préservée la bonne marche du service public. Le code de l’éducation n’en énonçant pas les modalités, c’est à chaque université de les prévoir dans son règlement intérieur (par exemple, à l’Université de Versailles Saint-Quentin, article 5-2).
Le président d’une université peut-il interdire une réunion politique organisée par les étudiants ou leurs associations ?
Selon le Conseil d’État (7 mars 2011), un président d’université doit « veiller à la fois à l’exercice des libertés d’expression et de réunion des usagers du service public de l’enseignement supérieur et au maintien de l’ordre dans les locaux comme à l’indépendance intellectuelle et scientifique de l’établissement, dans une perspective d’expression du pluralisme des opinions ». C’est pourquoi la directrice de l’École normale supérieure (qui a les mêmes pouvoirs qu’un président d’université) a pu légalement interdire une réunion ayant pour objet de prôner le boycott des échanges scientifiques et économiques avec Israël, et cela afin « d’assurer l’indépendance de (l’établissement) de toute emprise politique ou idéologique ».
En dehors de ce cas, très difficile à mesurer, ce sont surtout des raisons liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service public qui justifient une interdiction. Les risques de troubles sont liés aussi bien à la capacité des locaux (éviter les amphithéâtres surchargés) qu’aux éventuels désordres que peuvent provoquer l’objet de la réunion ou la personnalité invitée. Il y a également trouble ou risque de trouble lorsque les organisateurs font ou laissent passer des messages d’incitation à la haine et à la violence, ou tout autre message délictueux dans leur communication.
Les associations d’étudiants ayant des représentants élus au sein des différentes instances électives peuvent bénéficier d’une priorité pour organiser les réunions, mais sans exclure les autres associations (Conseil d’Etat 9 avril 1999).
Le fait d’être en période électorale peut accentuer les risques de troubles, mais ne justifie pas en soi l’interdiction, sauf s’il s’agit de préserver l’indépendance de l’établissement.
Le président d’une université peut-il imposer des conditions pour autoriser une réunion politique ?
Le règlement intérieur de l’université peut prévoir une série de conditions tenant à la qualité des organisateurs, à des délais d’anticipation, à des horaires, à la mise en place d’un service d’ordre, ou encore toute autre condition de nature à préserver l’intégrité des locaux et la tranquillité des étudiants travaillant dans les autres salles ou amphithéâtres. Le président d’une université représente la seule autorité de police au sein de l’université, et il ne peut imposer de pluralisme au sein d’une réunion politique dont l’objet est précisément de prôner un choix politique. En revanche, si un enseignant invite une personnalité sur un sujet politique, il doit organiser une contradiction.
Le président qui interdit une réunion sans raison valable risque :
L’article 431-1 du code pénal s’applique : « Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation ou d’entraver le déroulement des débats d’une assemblée parlementaire ou d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». On ne connaît toutefois pas d’exemple de condamnation d’un président d’université.
Ni le préfet ni le recteur n’ont de pouvoir de révocation d’un président d’université. Les motions de censure n’existent pas au sein des conseils universitaires.
On lira avec profit sur toutes ces questions C. Denizeau, Liberté de réunion dans l’enseignement supérieur, in Dictionnaire critique du droit de l’éducation par P. Bertoni et R. Matta-Duvignau, Tome 2, éd. Mare & Martin, 2021.
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