QUIZ : DISCIPLINE DANS LES UNIVERSITÉS
Dernière modification : 15 mai 2024
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle
On parle beaucoup de poursuites disciplinaires dans les universités et notamment Sciences Po, qu’il s’agisse de blocages, d’occupations, ou encore d’autres troubles. Autant posséder quelques notions de droit disciplinaire universitaire pour comprendre les derniers évènements.
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Sont des fautes disciplinaires les comportements suivants :
L’article R. 811-11 du code de l’éducation ne fournit pas de définition de la faute disciplinaire, mais donne une énumération générale. « Relève du régime disciplinaire (…) tout usager de l’université lorsqu’il est auteur ou complice, notamment : 1° D’une fraude ou d’une tentative de fraude commise notamment à l’occasion d’une inscription, d’une épreuve de contrôle continu, d’un examen ou d’un concours ; 2° De tout fait de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’université. ». Le même texte étend cette définition aux fraudes à l’inscription dans un établissement d’enseignement supérieur privé, lorsque ce dernier délivre des diplômes d’État.
Ainsi, la faute disciplinaire recouvre des comportements très différents : fraude aux examens, blocages, occupations, mais aussi appels à la haine et/ou à la violence, harcèlements, violences de tous types contre les biens et les personnes dans l’université, en somme tout trouble à l’ordre public et toute atteinte au fonctionnement du service public. Sont également visés les comportements extérieurs à l’établissement, lorsqu’ils sont en lien ou ont des conséquences directes sur la vie universitaire (Conseil d’État 27 févr. 2019 : menace avec arme à feu hors de l’établissement, mais ayant un retentissement sur les relations entre étudiants durant les enseignements). Les comportements visés peuvent aussi se dérouler à travers les réseaux sociaux. Sont enfin concernés les complices.
Lorsqu’un étudiant commet une faute disciplinaire, il doit obligatoirement être poursuivi.
À l’image du principe d’opportunité des poursuites pénales, qui donne la possibilité au procureur de la République de poursuivre ou non une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction, il existe un principe d’opportunité des poursuites disciplinaires. Dans les deux cas, ce principe peut être écarté par la loi, qui rend alors les poursuites automatiques ou obligatoires. En matière scolaire par exemple, l’article R. 421-10 du code de l’éducation rend obligatoires les poursuites contre les élèves dans les cas notamment de « violence verbale à l’égard d’un membre du personnel ».
C’est pourquoi le président de l’établissement, qui a seul le pouvoir de déclencher les poursuites en cas de plainte, peut également refuser toute poursuite ou y renoncer si la procédure disciplinaire a déjà été déclenchée. La volonté d’apaiser un conflit, comme à Sciences Po en avril 2024, peut donc justifier l’arrêt des poursuites.
À noter que les poursuites disciplinaires sont indépendantes des poursuites pénales.
Faire patauger les nouveaux étudiants dans de l’urine animale mélangée à des bouses et autres sous-produits animaux, le tout en réunion, cela s’appelle :
Depuis une loi du 27 janvier 2017, l’article 225-16-1 du code pénal, « Hors les cas de violences, de menaces ou d’atteintes sexuelles, le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants ou à consommer de l’alcool de manière excessive, lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, sportif et socio-éducatif est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende ». La peine est aggravée lorsque la victime est une « personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ».
Les violences, menaces et atteintes sexuelles connaissent leur propre sanction pénale depuis plus longtemps. L’innovation de la loi de 2017 est de sanctionner les bizutages lorsqu’ils répondent à certaines caractéristiques qu’elle énumère. Elle fait suite à plusieurs cas de bizutages extrêmes, ayant entraîné la mort d’étudiants, et pour autant ces pratiques n’ont pas cessé, comme à Saint-Cyr en 2021.
Les enseignants peuvent-ils aussi être poursuivis disciplinairement ?
L’article L. 712-6-2 du code de l’éducation prévoit que le Conseil académique de l’université (élu) exerce le « pouvoir disciplinaire à l’égard des enseignants-chercheurs et enseignants ». Aucune précision n’est fournie quant aux fautes disciplinaires pouvant donner lieu à poursuites, mais on peut s’appuyer sur l’article R. 811-11 du code de l’éducation (voir question 1) : fraudes et comportements créant des troubles ou gênant le fonctionnement du service public. Des plaisanteries homophobes ou racistes, ou des incitations haine ou à la violence font partie des fautes possibles et il en existe des exemples récents. Un enseignant peut aussi frauder… par exemple en aidant un étudiant lors d’un examen, en lui fournissant les sujets, etc.
En revanche, le fait que les cours dispensés par un enseignant soient de mauvaise qualité ne constitue pas une faute disciplinaire. C’est un cas d’insuffisance professionnelle.
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