QUIZ : Budget et impôts
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle
Surmontez votre effroi et tentez ce quiz en droit budgétaire et fiscal. Des notions de base, très médiatisées mais si mal cernées…
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Quels sont les deux budgets que vote le Parlement chaque année ?
Le Parlement vote chaque fin d’année la loi de finances pour l’année suivante. Selon l’article 34 de la Constitution, cette loi détermine les ressources ou recettes (impôt nationaux comme l’impôt sur le revenu, la TVA) et les charges de l’État (par exemple le coût de la fonction publique étatique). Pour 2024, les recettes votées se montaient à environ 312 Md€ de recettes, contre environ 453 Md€ de dépenses (article 166 de la loi de finances pour 2024).
Parallèlement, le Parlement vote aussi la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour l’année suivante. Celle loi détermine « les conditions générales de son équilibre financier » (article 34 de la Constitution) du régime de protection sociale, et porte sur les régimes d’assurance sociale (maladie, accidents du travail, vieillesse, famille, autonomie). Pour 2024, ce budget est de 602.2 Md€ de recettes contre 610.9 Md€ de dépenses. C’est le fameux « trou de la sécu ».
La LFSS pour 2023 n’inclut pas les budgets sociaux locaux (comme celui des départements qui représente 39.2 Md€ en 2019 selon l’INSEE), ni les régimes de protection sociale complémentaire obligatoire (AGIRC-ARCCO, environ 94 Md€ de ressources et environ 88 Md€ de dépenses), ni encore le régime de l’assurance chômage (UNEDIC, environ 43 Md€). Ces deux derniers régimes reposent sur des budgets spécifiques gérés paritairement par les partenaires sociaux.
Les budgets locaux sont ceux des collectivités territoriales, tandis que le « budget de la Nation » n’est pas une notion juridique.
Quelle différence entre le déficit du budget de l’Etat et la dette de l’État ?
Il ressort de la question précédente que pour 2024, les dépenses votées se montaient à environ 312 Md€ de recettes, contre environ 453 Md€ de dépenses (article 166 de la loi de finances pour 2024). Il y a donc un solde négatif d’environ 147 Md€. C’est le déficit annuel prévu pour 2024. Ce chiffre est différent chaque année selon le montant des ressources et des charges, et la conjoncture.
Le déficit d’une année peut être couvert par l’excédent de l’année suivante. Mais en France, le budget de l’État est en déficit chaque année depuis 1975. Il en résulte un cumul de déficits, qui est financé par des emprunts sur les marchés financiers. Les déficits cumulés donnent donc la dette de l’État, qui représentait 2510 Md€ en fin 2023 (INSEE).
Ne pas confondre avec la « dette publique au sens du traité de Maastricht » comprend la dette de l’État mais aussi de toutes les autres administrations publiques (dette dite APU), comme les dettes des collectivités territoriales, de la sécurité sociale ou des établissements publics. Elle se monte à 3101,2 Md€ en fin 2023 (INSEE), soit 111.7 % du PIB français. C’est ce dernier chiffre qui est le plus souvent pris en compte dans les médias, et qui permet d’avoir une image exacte de l’endettement français.
Qu’est-ce qu’une « niche fiscale » ?
La notion de niche fiscale n’est pas juridique. Elle vient des États-Unis (tax shelters) et désigne tous les mécanismes fiscaux permettant à un contribuable de réduire sa contribution par rapport à celle des autres contribuables. Le terme retenu officiellement en France est celui de « dépenses fiscales », lesquelles font l’objet chaque année d’un rapport (Évaluation des voies et moyens, tome 2, pour 2024).
Cette notion regroupe toutes les « dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ». Exemple : un don de 100 euros à une association d’utilité publique sera déductible du revenu imposable à hauteur de 50 %, ce qui fait qu’à revenu égal, celui qui donne payera moins d’impôt sur le revenu que celui qui n’a pas donné.
Les dépenses fiscales visent à encourager certains comportements ou activités, par exemple pour soutenir le développement économique ou la transition écologique, encourager l’épargne en vue de la retraite, stimuler la recherche et le développement, ou encore favoriser les dons de bienfaisance. Elles prennent plusieurs formes, le plus souvent des déductions lors le calcul du revenu des personnes physiques ou morales.
Le montant des dépenses fiscales s’est élevé à 85,6 Md€ en 2022. Le plus grosse part est constituée par le crédit d’impôt en faveur de la recherche (env. 7.6 Md€ pour 2024), le crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile (env. 6.2 Md€ pour 2024), l’abattement de 10 % sur le montant des pensions (y compris alimentaires) et des retraites (env. 4.5 Md€ pour 2024). On peut encore citer le crédit d’impôt pour frais de garde des enfants âgés de moins de 6 ans (env. 1.5 Md€ pour 2024), ou le taux de 10 % pour la restauration commerciale (consommation sur place et vente à emporter), qui coûtera env. 1.5 Md€ pour 2024.
Un gouvernement peut-il faire 10 milliards d’euros d’économie sans demander au Parlement le vote d’une loi de finances rectificative ?
Une fois la loi de finances votée en fin d’année pour l’année suivante, elle s’applique avec les crédits qu’elle prévoit. Le crédit est une ligne dans le budget de l’État dont le Parlement vote le montant, et qui est censé financer telle ou telle mission. Lorsque, en cours d’année, le gouvernement souhaite modifier profondément les crédits ou les recettes autorisés en fin d’année précédente (en raison par exemple d’une crise, d’un changement de politique), il demande au Parlement de voter une loi de finances rectificative.
Mais la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (article 14) permet d’éviter de passer par le Parlement, à travers notamment la technique de l’annulation de crédits. Par décret (sur avis du Conseil d’État), des crédits, alors même qu’ils figurent dans la loi de finances, peuvent être annulés, dans notamment deux cas : d’abord, le crédit est devenu sans objet (par exemple, un événement prévu est annulé) ; ensuite, il s’agit de « prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances ». C’est exactement le cas de figure qui s’est produit en début d’année 2024, le ministre de l’Economie annonçant 10 milliards de crédits en moins, par décret du 21 février. Ainsi, ont été annulés près de 205 millions pour la culture, environ 742 millions d’aide au développement, ou encore environ 904 millions pour l’enseignement supérieur et la recherche.
Les annulations de crédits sont donc prévues par la loi, mais c’est le montant total des annulations de février 2024, inédit, qui a ému une partie de la classe politique, accusant le gouvernement de contourner un Parlement au sein duquel il n’a pas de majorité.
À noter que reporter certaines dépenses de l’État sur d’autres collectivités publiques permet aussi à l’État d’économiser, mais seule la loi peut le faire.
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