Projet de loi de finances 2025 : les options du gouvernement pour éviter la déroute budgétaire
Dernière modification : 20 janvier 2025
Auteur : Sacha Sydoryk, maître de conférences en droit public, université de Picardie Jules Verne
Relecteurs : Guillaume Baticle, doctorant en droit public, université de Poitiers
Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Alors que la France débute l’année sans budget officiel, l’exécutif va devoir jongler entre plusieurs options pour éviter un échec retentissant. Entre compromis et passage en force, les marges de manœuvre semblent serrées.
C’est le grand défi du nouveau gouvernement : faire adopter le budget 2025 sans se faire renverser. Michel Barnier s’y est essayé… et s’est fracassé contre le mur de la discorde parlementaire.
Ce n’est que la deuxième fois dans l’histoire de la Vᵉ République que la France débute l’année sans loi de finances. La première fois, en 1980, la loi avait été adoptée, puis déclarée contraire à la Constitution, obligeant le gouvernement Barre à improviser une loi de finances spéciale adoptée in extremis, avant que la loi de finances complète ne soit finalement promulguée le 18 janvier 1980.
Quarante-cinq ans plus tard, le contexte est bien différent. Le parcours de la loi de finances pour 2025 a été perturbé. Déposée en retard à cause de l’absence de gouvernement, durant plusieurs mois, suite à la dissolution prononcée par Emmanuel Macron en juin dernier, elle a ensuite fait l’objet d’échanges tendus au Palais Bourbon. La première partie du projet de loi a ainsi été rejetée le 12 novembre, mettant un terme à l’examen de cette partie à l’Assemblée.
Pour autant, le rejet de la première partie du PLF et la chute du gouvernement Barnier n’ont pas, en tant que tels, entraîné le rejet du projet de loi. Le projet va donc simplement reprendre son cours avec, le cas échéant, des modifications souhaitées par le nouveau gouvernement. De la même manière, la question des ordonnances pour sa mise en œuvre reste d’actualité.
Reste à savoir comment faire adopter ce budget dans un contexte politique hautement inflammable. L’exécutif dispose de plusieurs atouts procéduraux dans sa manche, mais aucun d’entre eux ne semble idéal pour l’adoption du budget… ni même pour la survie du gouvernement.
Calendrier incertain
Pour comprendre, arrêtons-nous un instant sur la procédure d’adoption de la loi de finances. Cette dernière est divisée en deux parties. Or, la deuxième partie ne peut être discutée que si la première a été adoptée. Si la procédure est interrompue, comme c’est le cas ici, cela ralentit le processus, mais cela ne l’arrête pas totalement.
Nul besoin alors de reprendre les discussions depuis le début. Puisque la procédure s’est arrêtée devant le Sénat, après adoption de la première partie par ce dernier le 1er décembre 2024, c’est au Sénat que la discussion vient de reprendre le 15 janvier 2025, avec l’objectif d’adopter la deuxième partie rapidement et l’ensemble du texte le 23 janvier.
La suite, en revanche, est beaucoup moins certaine. Le gouvernement va devoir faire des choix. Il pourrait, par exemple, demander à l’Assemblée nationale de se prononcer en deuxième lecture sur le texte, puis au Sénat, pour ensuite convoquer une commission mixte paritaire (CMP) en cas de différend entre les deux chambres.
Cette commission, composée de sept députés et sept sénateurs, est chargée de trouver un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat en cas de désaccord. Dans la mesure où l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée sur la totalité du texte, cette procédure aurait le mérite du respect de la discussion parlementaire.
Mais le pari est risqué politiquement. Les oppositions pourraient être tentées de profiter des débats pour tirer à feu nourri sur le budget proposé par le gouvernement.
Alors, l’exécutif pourrait choisir une autre option. L’article 45 de la Constitution permet directement de saisir la CMP à la suite de l’adoption du texte par le Sénat. Charge à la commission de trouver un accord. Une tâche d’ampleur puisque l’Assemblée nationale n’a adopté aucune disposition jusqu’ici !
Si un accord est trouvé à la CMP, les deux chambres doivent approuver ce texte de compromis, mais si les désaccords persistent, l’Assemblée nationale pourrait avoir le dernier mot. Or, l’exercice pourrait s’avérer périlleux pour le gouvernement qui ne dispose pas de majorité dans l’hémicycle et qui pourrait se voir infliger une lourde défaite.
Passage en force ?
Au-delà de la procédure, le gouvernement dispose d’outils pour faire adopter le projet de loi de finances en forçant le destin. Le premier, le plus célèbre, est l’article 49 alinéa 3. Mais rien n’est moins sûr.
Si le Conseil constitutionnel a plusieurs fois admis que le gouvernement pouvait utiliser directement l’article 49 alinéa 3 sur tout le texte dès la nouvelle lecture, c’est-à-dire après la convocation d’une CMP, il n’a rendu ces décisions que dans le cadre où l’Assemblée nationale avait adopté la première partie du texte. Or, ce n’est pas le cas ici.
Dès lors, il est probable que le gouvernement n’ait d’autre choix que de respecter les votes sur les deux parties du texte et sur son ensemble. En plus de retarder l’adoption du PLF à cause de débats qui s’annoncent houleux, le gouvernement perdrait la main sur son projet et risquerait de voir certaines de ses dispositions phares rejetées par les députés.
Il resterait alors une dernière cartouche au gouvernement : choisir de passer par la voie des ordonnances prévues par l’article 47 de la Constitution. S’il est impossible de dessiner le régime de ces ordonnances dans ces quelques lignes, cette mesure permettrait à coup sûr au gouvernement d’avoir un budget certain et adopté. Mais il est aussi probable qu’avec un tel procédé, le gouvernement se mettrait toute l’opposition à dos… avec à la clef un risque de rechute.
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