Programme RN pour les européennes : réaffirmer la supériorité de la Constitution française sur les normes et juridictions européennes

Création : 13 mai 2024
Dernière modification : 16 novembre 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Relecteurs : Vincent Couronne, docteur en droit public, Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Aya Serragui

Source : Programme du Rassemblement national

Placer la Constitution au-dessus des règles européennes (UE et Conseil de l’Europe) est tout à fait possible. Mais alors, il faudra envisager la désintégration de l’UE ou le Frexit.

Demandez le programme et nous le décryptons ! En vue des élections européennes, la liste du Rassemblement national conduite par Jordan Bardella a dévoilé sa profession de foi. Une de ses propositions, partagée avec d’autres partis politiques, est la suivante  : faire primer la Constitution française sur les normes européennes. Nous l’avons trop souvent rappelé (en surlignant Arnaud Montebourg ou Philippe Ballard par exemple), ce n’est pas impossible, mais il faut être clair sur les implications.

Ce qu’il faudrait modifier dans la Constitution

L’article 55 de la Constitution française est clair sur la supériorité des traités par rapport aux lois nationales : les traités ont “une autorité supérieure à celle des lois”. Mais il ne dit pas si les traités sont supérieurs à la Constitution française. En revanche, l’alinéa 14 du préambule de la Constitution de 1946, qui est toujours en vigueur aujourd’hui, prévoit que “La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international”. Ce préambule, qui a la même valeur que la Constitution (depuis la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 et précisé par la décision du 9 avril 1992), pose le principe de subordination de la Constitution aux traités européens et internationaux que la France a ratifiés.

Il faudra donc modifier le préambule de 1946 et préciser l’article 55, et nos juges nationaux seront tenus d’appliquer la Constitution, mais cela ne sera pas sans conséquences. À noter que nos juges nationaux font déjà primer la Constitution sur les traités (décision Sarran du Conseil d’État en 1998 et décision Fraisse de la Cour de Cassation en 2000), mais d’une manière détournée, en tentant de concilier la Constitution et le droit européen et en faisant primer la Constitution faute de conciliation possible. Cela ne semble pas suffisant pour Jordan Bardella.

La supériorité de la Constitution sur les traités est incompatible avec le maintien dans l’UE

L’adhésion à l’Union s’accompagne de l’obligation d’appliquer ses règles dites “supranationales”, car elles ont précisément vocation à prévaloir sur le droit national. C’est le principe même des traités qui ont créé l’Union européenne, lesquels ne sont jamais qu’un contrat entre États. Or, un contrat se respecte.

Les traités régissant l’Union européenne mettent en place ce qu’on appelle un ordre juridique autonome : des “lois” européennes (des directives, des règlements), et les traités eux-mêmes, tous ces textes primant sur la loi nationale, comme le martèle la CJUE depuis sa décision Costa contre ENEL de 1964, et comme l’ont reconnu les États membres en 2007 en signant unanimement une déclaration en ce sens.

Rester au sein de l’Union européenne sans faire primer les textes européens qui en découlent est incompatible en l’état du droit européen.

Pénalités financières en perspective si la France reste dans l’UE

De plus, cela ferait encourir de fortes amendes ou des astreintes journalières à la France, pour manquement à ses obligations européennes (l’Espagne fut ainsi condamnée par la CJUE le 25 février 2021, car elle n’avait pas appliqué certains textes européens).

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