#LegalCheck. Programme PCF aux élections européennes : “Il faut remettre en cause le principe de primauté du droit européen sur le droit national, primauté qui n’est pas inscrite dans les traités”
Autrice : Émilie Delcher, maître de conférences en droit européen à l’Université de Nantes
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle
Source : Programme du PCF
La primauté du droit de l’Union sur le droit français a été accepté par la France et les autres États membres. La France peut revenir sur cette acception, mais pas de façon unilatérale : en négociant. Ou alors c’est le Frexit.
Le Parti Communiste Français, comme d’autres partis politiques, entend remettre en cause la primauté du droit de l’Union européenne sur les droits nationaux, y compris la Constitution. Or nous avons déjà surligné Jordan Bardella et Arnaud Montebourg à ce propos.
Il est vrai que la primauté ne figure pas expressément dans les traités européens
Le principe de primauté a en effet été consacré par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (à l’époque des Communautés européennes) dans son arrêt Costa c. Enel du 15 juillet 1964. La Cour a déduit ce principe de la logique des traités : si chaque État pouvait déroger à sa guise au droit communautaire, alors il n’aurait pas été appliqué uniformément et n’aurait pas été un droit véritablement commun en vue d’une intégration, autrement dit un alignement progressif des législations dans les domaines choisis en vue de réaliser le marché commun.
Les États ont accepté cette primauté sur la loi
Les États membres ont annexé au Traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009, une déclaration (n° 17) qu’ils ont unanimement acceptée, et qui affirme que « selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, les traités et le droit adopté par l’Union sur la base des traités priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence ». S’ils avaient au contraire souhaité remettre en cause le principe de primauté, ils auraient pu le faire à l’occasion du Traité de Lisbonne. Ils auraient alors emprunté la voie d’une désintégration européenne, en remettant en cause la garantie de l’application uniforme du droit de l’Union européenne.
Si les États changent d’avis, ils doivent donc passer par une révision des traités, et ne peuvent agir de façon unilatérale. Cela signifie que si la France, par l’intermédiaire de son Parlement, remettait en cause unilatéralement la primauté du droit de l’Union en adoptant des lois contraires à celui-ci, elle s’exposerait aux sanctions de la Cour de Justice de l’Union européenne, qui peut condamner les États lorsqu’ils ne respectent pas leurs obligations en vertu du droit de l’Union européenne. La France violerait d’ailleurs aussi sa propre Constitution, qui garantit, à l’article 55, la supériorité de l’autorité des traités sur celle des lois. Ou alors, il faudrait aussi modifier la Constitution, mais cela ne dispenserait pas la France de devoir renégocier les traités pour supprimer la primauté.
Les États ont accepté la primauté sur leur constitution… dans certains limites
Il est vrai que la Cour de Justice considère que le droit de l’Union prime sur les Constitutions nationales (décision du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft). Cela ne signifie pas que le droit de l’Union peut remettre en cause à sa guise les constitutions nationales. L’article 4 du Traité sur l’Union européenne affirme en effet que « L’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales, politiques et constitutionnelles ». La Constitution française, à l’alinéa 14 du préambule de la Constitution de 1946 qui a toujours valeur constitutionnelle, affirme d’ailleurs que la République « se conforme aux règles du droit public international ».
Toutefois, ni le Conseil constitutionnel ni le Conseil d’État ne reconnaissent cette primauté du droit de l’UE sur la Constitution. En réalité, les juges de l’Union comme des États membres cherchent le plus souvent à éviter les conflits et à concilier les dispositions du droit de l’UE et de la Constitution.
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