Procès Plaza renvoyé : comment fonctionne le renvoi d’une affaire pénale ?
Dernière modification : 2 septembre 2024
Auteur : Paul Morris, élève-greffier
Relecteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
La procédure de renvoi est la possibilité pour les magistrats de reporter l’audience à une autre date si les conditions ne permettent pas d’assurer l’audience initialement prévue.
Ce mercredi 28 août devait se tenir le procès de Stéphane Plaza pour violences conjugales. Or, l’animateur ne s’est pas présenté à l’audience, se justifiant de fragilités psychologiques. La 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris s’est prononcée pour le renvoi de l’affaire au 9 janvier 2025 prochain avec pour injonction de se soumettre à une expertise psychologique.
Pourtant, le 4 avril dernier, une avocate enceinte s’évanouissait en pleine audience alors qu’elle était venue soutenir le renvoi de son affaire à une autre date. Cette situation a tristement fait écho à ce qu’ont vécu les avocats lors du procès de la Vendetta de Bastia où le renvoi de l’affaire a été refusé par les juges.
Qu’est-ce que la demande de renvoi, pourquoi dans certains cas celle-ci est acceptée et dans d’autres non ? Explications.
Pourquoi renvoyer l’affaire à une autre date ?
La procédure de renvoi en elle-même consiste en une possibilité pour les magistrats de reporter
l’audience à une autre date si les conditions ne permettent pas d’assurer l’audience initialement
prévue.
Dans le cas d’infractions correctionnelles, donc dans une affaire pénale, il existe différents types de renvois, dont la jurisprudence est venue préciser les conditions dans lesquelles les parties peuvent les solliciter. Ainsi, on va retrouver principalement :
– Le renvoi simple. Il concerne l’hypothèse la plus commune. Il s’agit du cas où une des parties souhaite déposer des arguments supplémentaires. Le juge, s’il estime le dépôt fondé, va accorder un nouveau délai et ordonner le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure.
– Le renvoi avec injonction, injonction de faire, injonction de ne pas faire. Dans le cas de Stéphane Plaza, le juge à ajouter au renvoi de l’affaire une injonction pour l’animateur d’effectuer une expertise psychologique.
– Dans le cas où l’injonction de conclure (le fait pour le juge de demander aux avocats de produire au plus vite leurs arguments) ne serait pas respectée, le juge chargé d’instruire l’affaire dispose de la faculté de clôturer l’instruction de l’affaire et de la renvoyer devant la juridiction de jugement.
– La demande de renvoi à audience ultérieure, car le tribunal estime nécessaire la comparution personnelle du prévenu. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le juge a ordonné le renvoi de l’affaire Plaza.
Dans la pratique, afin de préserver les droits des justiciables et le bon intérêt de la justice, l’audience doit se tenir dans les meilleures conditions possibles. Il est fréquent au sein des juridictions que le premier renvoi soit considéré comme “de droit”. Une possibilité prévue dans le cadre de l’article 411 du code de procédure pénale, qui, en pratique, ne présente pas de difficulté particulière lorsque les affaires ne présentent pas de complexité particulière. La seconde demande est quant à elle soumise à l’appréciation du juge.
C’est ainsi qu’a été demandé, et accordé, le renvoi de l’affaire Plaza. Contrairement à ce qui est survenu en avril dernier, où les magistrats ont considéré que l’affaire ne présentait pas de difficulté particulière et qu’un renvoi n’était pas nécessaire…
Outre, la question de la difficulté de statuer sur l’affaire qui leur est soumise, les magistrats opèrent un contrôle plus ou moins strict des motifs de renvoi en cas d’accord ou de désaccord des parties présentes.
La fine frontière entre le renvoi légitime et la stratégie procédurale
Le renvoi à une autre date constitue un avantage indéniable pour la partie qui en fait la demande, car elle dispose de temps supplémentaire pour organiser sa défense, chercher de nouvelles pièces et d’éventuels justificatifs. En conséquence, la partie demanderesse est bien souvent obligée de la justifier.
Une des difficultés lors des demandes de renvoi réside dans la différence d’appréciation de la légitimité de la demande entre les magistrats et les avocats. Cette situation s’est notamment présentée lors du procès de la vendetta de Bastia-Poretta où la demande de renvoi des avocats a été refusée.
Ceux-ci s’opposant au calendrier d’audience qui prévoyait que les policiers chargés de l’enquête soient entendus juste avant les accusés, alors qu’ils étaient initialement prévus, comme le veut l’ordre habituel, dès le début de l’examen du dossier au fond. Les avocats de la défense ont alors sollicité le renvoi, arguant du risque que leurs propos créent un amalgame avec les accusés et ne pèsent trop sur l’audience.
Si la première justification a été explicitement exprimée par les avocats des accusés et semble légitime au regard des règles de procès équitable. La seconde, plus officieuse, a également contribué à la mobilisation des avocats : l’espoir qu’un renvoi entraîne une composition différente de la cour, notamment le remplacement des deux juges assesseurs, réputés répressifs.
Le renvoi a été refusé, en conséquence les avocats de la défense ont alors conseillé à leurs clients de les récuser et ont quitté le tribunal. Forçant ainsi le tribunal à attribuer aux accusés des avocats commis d’office pour les défendre à l’audience. Toutefois, devant l’ampleur de la tâche, de l’absence de temps pour prendre connaissance du dossier et rencontrer les clients, les avocats commis d’office ont à leur tour sollicité le renvoi de l’affaire, qui a été à nouveau refusé par la Cour.
Sollicité pour avis, l’avocat général a maintenu son opposition au renvoi. Le procès doit continuer, a-t-il maintenu, “il n’y a pas de naufrage, il y a un équipage. Fluctuat nec mergitur”.
Ainsi, si la demande de renvoi ne pose pas en principe de difficulté, car demandée afin de défendre les intérêts des justiciables, elle reste cependant difficile à accorder dans les procès d’envergure en raison des difficultés d’organisation des juridictions, ou en cas d’opposition entre les parties intervenantes.
Suite à la remarque d’un lecteur, l’article a été corrigé le 2 septembre 2024.
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