Procès des viols de Mazan : y a-t-il “viol et viol” comme le dit la défense ?
Dernière modification : 27 septembre 2024
Auteurs : Noémie Alfano et Haumea Renck, étudiants en Master 1 de droit pénal à Nancy
Relecteurs : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, université Paris-Saclay
Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal à l’université de Lorraine
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Cette tournure de phrase utilisée par Guillaume de Palma, un avocat de la défense, est juridiquement incorrecte. En revanche, sa démonstration pour la justifier est juste, au vu de l’état actuel du droit. En France, la notion de consentement n’étant pas inscrite dans le droit, il faut plutôt prouver l’intentionnalité de l’auteur des faits.
C’est une phrase qui a créé la stupeur. Mardi 10 septembre dernier, Guillaume de Palma, avocat de la défense dans le procès Mazan, déclarait : « Il y a viol et viol et, sans intention de le commettre, il n’y a pas viol ».
Quelques minutes plus tard, en sortie d’audience, il réitère à nouveau ses propos précisant que le viol est caractérisé « à partir du moment où effectivement il y a une intention coupable, à partir du moment où on arrive à rapporter la preuve du fait que la personne qui a commis les actes de viol avait conscience de commettre des actes de viol ».
Trois éléments sont nécessaires pour qualifier des faits d’infraction pénale : les éléments légal, matériel et moral. Une infraction ne peut être caractérisée que lorsque ces derniers sont réunis et établis. Ainsi, soit les faits permettent de les réunir et de caractériser l’infraction, soit ils ne le permettent pas et une autre qualification peut être proposée.
Par conséquent, il ne peut pas y avoir « viol et viol ». Soit il y a viol, soit il n’y a pas viol. Sur ce point, les propos de Guillaume de Palma sont juridiquement incorrects.
La nécessité d’une intention pour caractériser un viol
En revanche, l’explication fournie par l’avocat respecte les textes de loi. L’article 222-23, alinéa 1 du Code pénal dispose que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ».
Mais quid de l’intention ? Comme l’indiquait Guillaume de Palma, avocat de la défense, pour qu’il y ait viol, il faut la « conscience de commettre des actes de viol ». Il se réfère, comme pour tous les crimes, à l’article 121-3 du Code pénal qui dispose qu’“il n’y a point de crime […] sans intention de le commettre”. Autrement dit, dans ce dossier, pour que les faits soient qualifiés de viol, il faut démontrer que leur auteur avait bien connaissance que la victime était endormie.
La preuve d’un non-consentement, et non d’un consentement
L’intention de commettre un viol se caractérise donc par la conscience de l’auteur des faits d’accomplir un acte de nature sexuelle, et ce, sans consentement réel de la victime. Mais comment prouver qu’une personne avait conscience ou non de ce non-consentement ?
Ce défaut de consentement de la victime se déduit souvent de la matérialité des faits, soit de l’existence de violence, de contrainte, de menace ou de surprise. En l’absence d’un de ces éléments et au regard du droit actuel, l’infraction de viol ne peut pas être caractérisée ; sans volonté de commettre le viol, il ne peut donc effectivement pas y avoir de viol, du point de vue du droit.
Les propos de Guillaume de Palma, s’ils peuvent choquer, sont confirmés par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Ainsi, le seul fait de constater que la personne poursuivie « ne pouvait pas ne pas se rendre compte que sa partenaire n’était pas tout à fait consentante » ne caractérise pas avec certitude l’absence de consentement.
Si cette jurisprudence confirme les propos de l’avocat de la défense, la question d’une possible inscription du consentement dans la loi se fraie un chemin dans le débat public. Emmanuel Macron s’était, lui-même, dit favorable à l’inscription du consentement dans le Code pénal, en mars 2024, après toutefois avoir refusé que la Commission européenne intervienne dans la définition juridique du viol.
Avec une évolution de la sorte, l’élément moral de la caractérisation du viol ne se limiterait pas à l’intention infractionnelle. Il faudrait prouver le consentement, et non plus le non-consentement.
La stratégie de défense fondée sur l’absence d’intention de commettre un viol est donc pertinente juridiquement dans les conditions actuelles du droit, bien qu’elle puisse heurter l’opinion publique. En effet, la défense peut plaider comme elle l’entend, même si cela peut déplaire aux parties civiles et au public.
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