Crédit : Capture d'écran Twitter

Présidentielle américaine : la signature sur la lettre de retrait de Joe Biden a-t-elle été falsifiée ?

Création : 31 juillet 2024

Autrice : Julia Terradot, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, étudiante à l’École publique de journalisme de Tours

Source : Vidéo Facebook, le 23 juillet 2024

Sur les réseaux sociaux, une idée populaire du camp républicain tourne en boucle : dans la lettre où Joe Biden annonce se retirer de la campagne présidentielle, sa signature aurait été falsifiée. Une théorie intrigante, et aisément discréditée.

À l’approche de l’élection présidentielle américaine, les faits et gestes des candidats sont plus que jamais scrutés à la loupe. Le 21 juillet, huit jours après la tentative d’assassinat de Donald Trump, le président étasunien Joe Biden a annoncé, par le biais d’une lettre publiée sur X (ex-Twitter), qu’il retirait sa candidature à la prochaine élection présidentielle. Les réseaux s’affolent et, immédiatement, des comptes pro-Trump suggèrent que le document n’a pas la signature habituelle de Joe Biden.

Quelques heures après l’annonce, un twitto, Chief Trumpster, compare le coup de stylo de Joe Biden sur cette lettre avec une série de signatures datées des derniers mois, toutes parfaitement identiques. Son tweet aux 2,7 millions de vues, à la date du 30 juillet 2024, inquiète de nombreux internautes. Pour certains, cette différence calligraphique est la preuve que Joe Biden n’est plus de ce monde, ou qu’il tenterait de nous communiquer subtilement un appel au secours.

Aux États-Unis, la théorie atteint même les personnalités publiques américaines, comme le milliardaire Bill Ackman qui la repartage sur X. Le philanthrope, longtemps démocrate, mais désormais soutien de Donald Trump, affirme dans un autre tweet que si c’était une prise d’otages, la lettre ne constituerait pas une preuve de vie – ça a un air de prise d’otage, répond joyeusement Elon Musk. Au lendemain de l’annonce du Président, Lauren Boebert, membre du parti républicain à la Chambre des représentants, demande à voir une preuve que Joe Biden est bien vivant.

Des internautes, comme celui qui tient le compte “État d’Urgence”, n’hésitent pas à suivre le mouvement. Dans cette vidéo, l’internaute annonce que “l’heure est grave”. Selon lui, “des dizaines de criminologues” confirment la falsification de la signature de l’ex-candidat. Il reprend la photo des comptes X américains comme ‘preuve’, et nous explique que le ‘B’ de ‘Biden’ serait “complètement différent de tout ce que Biden a signé précédemment”.

Qui aurait signé à sa place et pourquoi ? Le vidéaste suggère que Joe Biden s’est laissé manipuler par de puissants lobbys du parti des démocrates, qui l’ont écarté afin de “tendre un piège” au candidat républicain Donald Trump. Contacté par Les Surligneurs, l’internaute n’a pas répondu à nos sollicitations, et n’a pas pu nous éclairer sur sa théorie qu’on peine à comprendre.

Un complot peu convaincant

“État d’Urgence” ne partage aucun élément pour appuyer ses arguments. Le lien affiché sur la photo vers la ‘source’ de ses informations ne fonctionne pas. Les “criminologues” et “experts” qu’il mentionne sans les nommer sont introuvables.

Même si la signature de la lettre du 21 juillet paraît légèrement différente des précédentes, les signatures ne se ressemblent pas toujours, et surtout, Joe Biden était dans un moment de grande faiblesse, explique Romuald Sciora, directeur de l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’IRIS. Le président était alors atteint du Covid-19, et potentiellement affecté par la pression d’une telle décision, ajoute le chercheur.

En revanche, l’idée d’une fraude est ridicule, selon Romuald Sciora.La signature de Joe Biden est informatisée depuis des années, raisonne-t-il. Des faussaires auraient simplement réutilisé la signature informatique du président, ou fait appel à un professionnel. Ce qui aurait donné une signature similaire aux précédentes.

Qui plus est, quelques jours après avoir posté la lettre, le président s’adresse officiellement au peuple américain dans une vidéo retranscrite ici par la Maison-Blanche, pour confirmer son retrait et apporter son soutien à la nomination de sa vice-présidente, Kamala Harris. Pas d’inquiétude donc, Joe Biden semble bien vivant, contrairement à ce qu’a craint la sphère pro-Trump, et il s’est bel et bien retiré de la course présidentielle. Mais pourquoi cette théorie de la fausse signature rencontre-t-elle autant de succès ?

Un fond de vérité

La vidéo d’ “État d’Urgence” n’a peut-être pas tort sur tous les plans : Joe Biden aurait bien pu s’écarter des élections suite à la pression des démocrates. À 81 ans, Joe Biden bat le record du plus vieux des présidents des États-Unis. Le sujet de sa santé — tout comme celle de son opposant Donald Trump, 78 ans – semble dominer les débats de cette campagne présidentielle.

Depuis le début de son mandat, Joe Biden accumule les gaffes et érode la confiance quant à sa capacité à diriger le pays quatre années de plus. Fin juin, son débat politique contre Donald Trump montre un président dérouté, incohérent, et se voit moqué, tous bords politiques confondus. Joe Biden perd alors le soutien de son parti, des donateurs de sa campagne, et même du public américain. Après ce débat désastreux, les démocrates ont tout fait pour pousser Biden vers la porte de sortie”, confirme Romuald Sciora.

Suite au débat, un sondage du Centre de recherche sur les affaires publiques de l’Associated Press-NORC estimait que 65 % des votants démocrates souhaitaient voir un autre candidat. À la pression politique s’ajoute alors la pression financière. Abigail Disney, héritière de la fortune Disney, avait alors interrompu ses dons financiers, le temps de remplacer Joe Biden dans la course à la présidentielle. Des sénateurs démocrates ont également appelé publiquement Joe Biden à abandonner la course électorale, tandis que nombre d’entre eux l’ont félicité suite à sa lettre de retrait. 

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