Pourquoi les candidats à Paris annoncent-ils un passage aux 35 heures des agents de la ville ?

Création : 8 mars 2020
Dernière modification : 20 juin 2022

Auteurs : Antoine Le Bec et Théophile Leroux, étudiants à Sciences Po Saint-Germain, sous la direction de Camille Morio, maîtresse de conférences en droit public à Sciences Po Saint-Germain

Plusieurs candidats à la mairie de Paris ont annoncé vouloir assurer le passage aux 35 heures des agents de la ville. On peut ainsi lire dans le programme de Cédric Villani : « j’appliquerai la loi en matière de temps de travail dans les services de la Ville, pour atteindre les 1 607 heures travaillées pour un temps plein dès la fin de l’année 2021 ». De son côté Anne Hidalgo a réagi à ce propos auprès des journalistes de LCI : « nous nous y soumettrons, ce sera la loi ».

Il est vrai que jusqu’à une loi de 2019, les agents de la ville de Paris bénéficiaient d’un régime dérogatoire par rapport au statut de la fonction publique territoriale. C’est pourquoi la Cour des comptes a pu souligner, dans un rapport de mars 2018 que les agents des collectivités parisiennes travaillent 1552 heures au lieu du minimum légal de 1607 heures.

Le statut dérogatoire d’avant 2019

L’article 118 de la loi du 26 janvier 1984 constitue le fondement historique du statut dérogatoire des agents de la ville de Paris. Le décret du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes en organise les modalités, et le Conseil de Paris en fixe le détail par ses délibérations.

Par ailleurs, l’article 4 du décret de 1994 comporte une clause de « cristallisation ». Cette clause prévoit que la loi de 1984 est applicable à la ville de Paris mais seulement dans sa version en vigueur à une certaine date. En d’autres termes, les réformes affectant la loi après cette date ne sont pas applicables à la ville de Paris. Cette date figeant l’application de la loi du 26 janvier 1984 a été modifiée plusieurs fois pour conduire Paris à se mettre progressivement en conformité avec la loi. Problème, Paris a utilisé cette clause pour prétendre qu’elle n’avait pas à tenir compte du passage, en 2001, aux 35 heures dans la fonction publique. Or, la Cour des comptes évoque une utilisation abusive de l’article 4 car « l’objet […] n’était pas d’autoriser la Ville à adopter, voir à pérenniser, des dispositions contraires à une loi postérieure ».

C’est à cette incohérence légale que la loi du 6 août 2019 souhaite remédier.

La loi du 6 août 2019 et l’alignement des agents de Paris sur les autres fonctionnaires territoriaux

La loi de transformation de la fonction publique du 6 aout 2019 impose que les collectivités territoriales abandonnent les nombreux statuts particuliers mis en place avant la loi de 2001 afin de supprimer certaines inégalités entre fonctionnaires. C’est l’article 47 de cette loi qui organise une harmonisation du temps de travail des personnels de la fonction publique territoriale et donc une obligation de respecter le régime des 35 heures à Paris, comme dans toutes les communes de France.

Cette loi prévoit que les collectivités territoriales disposent d’un délai d’un an à compter du renouvellement de leurs assemblées (c’est-à-dire les conseils municipaux issus des élections à venir) pour négocier les nouvelles règles relatives au temps de travail. Dès le 22 mars 2021, la ville de Paris devra organiser le basculement de tous les agents concernés vers le régime des 35 heures. S’il y a donc une promesse électorale à faire, ce n’est pas d’aligner les agents de la ville sur les 35 heures, mais simplement d’appliquer la loi.

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