Pour Viktor Orban l’Union européenne construit un “super-Etat pour lequel personne n’a donné de mandat”

Création : 13 juillet 2021
Dernière modification : 22 juin 2022

Autrice : Miriana Exposito, rédactrice

Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au laboratoire VIP, Université Paris-Saclay

Source : Valeurs actuelles, 2 juillet 2021

L’Union européenne n’est pas un État et nulle part dans les traités il est indiqué qu’elle a vocation à en devenir un. Si toutefois elle devait devenir un “super-État” fédéral, la Hongrie, de même que tous les autres États membres à l’unanimité, devraient donner leur accord.

Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, fait diffuser une publicité dans plusieurs médias en Europe, dont le Figaro, concernant l’avenir de l’Union européenne. Ces propos interpellent, en ce qu’ils renforcent l’image d ‘hostilité du Gouvernement hongrois à l’égard de Bruxelles. Qu’en est-il vraiment ? L’Union européenne est-elle vraiment en train de se construire en super-État qui surplomberait les 27, un peu comme l’État fédéral américain ? Et ce processus se fait-il sans mandat des peuples ou des Gouvernements ?

La Hongrie réagit fortement après avoir été mise en accusation dans un rapport du Parlement européen pour sa loi sur les LGBT et sur l’indépendance de la justice. Ce rapport, politiquement très fort, pointe du doigt les États membres ne respectant pas les valeurs fondatrices de l’Union, notamment le respect des droits fondamentaux. Cet évènement a été vécu par la Hongrie comme un affront et elle s’est empressée de clamer l’abus de pouvoir de l’Union. Une attitude dont est aussi coutumière la Pologne, qui avait critiqué la législation européenne sur le respect de l’État de droit comme étant trop intrusive. 

L’Union européenne : créé par les États 

Mais si nous revenons aux fondements de l’Union européenne, elle est née du traité de Maastricht de 1992, et a succédé aux Communautés européennes issues des traités de Rome en 1957. En tant qu’accord international, le traité de Maastricht est le fruit d’un consensus politique entre plusieurs États. Donc, l’Union repose sur des traités internationaux, notamment le Traité sur l’Union européenne et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, adoptés par des États indépendants, ratifiés par leurs parlements respectifs et modifiables avec l’accord de tous. Pour que l’Union puisse fonctionner, les États ont dû lui conférer des compétences (transports, monnaie, concurrence, politique sociale, etc.), avec d’importants pouvoirs de décision, d’exécution et de sanction, sous le contrôle d’un Parlement européen élu au suffrage universel direct.

Par ailleurs, comme l’a à juste titre rappelé le Parlement européen en 2018, l’adhésion de la Hongrie à l’Union en 2004 “était un acte volontaire fondé sur une décision souveraine, s’appuyant sur un large consensus rassemblant un large éventail de la classe politique”. 

D’ailleurs, le Parlement hongrois a lui-même voté pour l’adoption du traité de Lisbonne de 2007, qui prévoit la possibilité pour l’Union de sanctionner les États qui ne respectent pas ses valeurs fondatrices (article 7 TUE). Si la Hongrie a des obligations envers l’Union, c’est uniquement parce qu’elle a consenti à en avoir. Si elle fait aujourd’hui l’objet de procédures de sanctions pour non-respect de ses obligations, c’est parce qu’elle a mandaté l’Union pour utiliser ce pouvoir de sanction. Par exemple, la Hongrie a décidé souverainement au Conseil européen de décembre 2019 de s’engager dans un objectif de neutralité carbone à l’échéance de 2050 (seule la Pologne s’était abstenue), ou encore lors du Conseil européen du 21 juillet 2020 de s’engager à respecter l’État de droit en contrepartie du versement des aides du gigantesque plan de relance européen.

Par ailleurs, la Hongrie a fini par trouver un compromis avec ses partenaires et le Parlement européen sur l’obligation de respecter l’État de droit en contrepartie des aides du plan de relance, et a en ce sens levé le veto qu’elle menaçait d’opposer au texte autorisant la Commission européenne à emprunter les 750 milliards d’euros du plan de relance.

Quoiqu’il en soit, l’Union européenne n’est pas un État et n’a pas vocation, selon les traités, à le devenir. Mais si toutefois c’était la voie qui était choisie à un moment donné, cela ne pourrait se faire sans réviser les traités, et donc l’accord unanime des gouvernements et de leurs parlements démocratiquement élus.

Cela étant dit, Viktor Orban a le mérite de s’immiscer dans un débat politique primordial pour l’avenir de l’Union : faut-il aller vers un État fédéral européen, les États-Unis d’Europe ? Du grain à moudre pour la conférence sur l’avenir de l’Europe qui vient de s’ouvrir.

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