Pour Raquel Garrido, “l’article 49.3 est une triche, une agression anti-démocratique”
Dernière modification : 5 juin 2023
Auteur : Guillaume Baticle, master de droit public, Université de Picardie Jules Verne
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Yeni Daimallah et Emma Cacciamani
Source : BFMTV, 16 octobre 2022
L’usage de l’article 49.3 n’est pas une “triche” puisqu’il est prévu par la Constitution de 1958. On peut évidemment contester la légitimité démocratique de cet article. Dans ce cas, Raquel Garrido peut tenter de faire voter son abrogation en demandant une révision de la Constitution.
Selon la députée LFI-NUPES Raquel Garrido, l’usage de l’article 49.3 de la Constitution est une “triche” et constitue une “agression anti-démocratique”. Ce n’est pas le gouvernement qu’elle critique dans ce cas, mais la Constitution elle-même.
Le 49.3, c’est la Constitution
Comme nous l’avons rappelé, l’usage de l’article 49 alinéa 3 de notre Constitution donne la possibilité au gouvernement en difficulté face à l’Assemblée nationale de passer outre le vote des députés et de faire adopter un projet de loi par la chambre basse du Parlement. Cette pratique n’est pour autant pas contraire aux règles du jeu législatif, pour la simple et bonne raison qu’elle est prévue par la Constitution. Par ailleurs, pour faire passer un projet de cette façon, le gouvernement engage sa responsabilité devant les députés, qui peuvent alors voter une motion de censure à son encontre (article 49.2). Si le vote n’est pas acquis, le projet de loi est adopté et il est examiné par le Sénat. Si les députés adoptent la motion de censure, le gouvernement démissionne et le projet n’est pas adopté.
Critiquer le 49.3, c’est critiquer la Constitution. Elle a le droit aussi.
Si l’article 49.3 est qualifié d’antidémocratique, c’est que la Constitution peut également l’être aux yeux de certains. Raquel Garrido a le droit de le penser. Une chose est certaine : la Constitution de 1958 a été rédigée pour créer une prépondérance de l’exécutif (parlementarisme rationalisé).
Mais en l’état actuel il n’y a pas de “triche” : il faut modifier la Constitution. Si Raquel Garrido veut mettre fin à la menace du 49.3, elle peut proposer une révision constitutionnelle pour abroger cet article. Cette proposition devra être votée par les deux chambres du Parlement, puis faire l’objet d’un référendum pour être approuvée, sauf à réunir le Parlement en Congrès. À noter toutefois que le Président de la République peut bloquer la procédure car c’est lui qui convoque le corps électoral ou le Congrès.
Contactée, Raquel Garrido insiste sur le fait que la “triche” qu’elle dénonce est celle consistant présenter à travers l’article 49.3 le projet de loi initial, sans garder les amendements déjà votés à l’assemblée. Cette possibilité est offerte au gouvernement par l’article 49.3 même, et le problème reste donc identique juridiquement. Rien ne dit dans la Constitution que cet article ne peut être actionné que sur le texte tel qu’amendé par le Parlement. Le gouvernement pourrait tenir compte des amendements déjà passés, mais rien ne l’y oblige. Il n’y a donc pas de “triche” dans l’application du 49.3.
Cet article a été rédigé dans le cadre d’un événement organisé le jeudi 13 octobre, avec le soutien de l’OTAN, pour former les lecteurs des Surligneurs à la lutte contre la désinformation dans le domaine du droit.
L’activité proposée était un événement en ligne d’une journée sous la forme d’un “legalthon” consacré à l’État de droit. RESILEX visait à rassembler des chercheurs en droit, des étudiants, des personnes d’influence, des journalistes et le grand public afin d’améliorer la résilience de la société dans le domaine de l’État de droit et de la démocratie. Les participants ont surveillé l’actualité et ont repéré les informations erronées ou les approximations juridiques présentes dans les propos des personnalités publiques.
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