Pour le député Jacques Maire, le rapatriement des enfants français et de leurs mères détenus en Syrie est « un impératif juridique »
Dernière modification : 20 juin 2022
Auteur : Maël Cheref, étudiant en Master 2 Action et droit humanitaires à l’université Aix-Marseille, membre de l’Association des droits de l’Homme de la Sorbonne, sous la direction de Tania Racho, docteure en droit public à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas
Source : France Info, 12 septembre 2020
Si l’impératif humanitaire à rapatrier ces enfants n’est pas discuté, l’« impératif juridique » n’est reconnu pour l’instant, ni par le gouvernement, ni par le juge français. Reste que la question n’est pas définitivement tranchée. Un recours a été formé devant la Cour européenne des droits de l’Homme, qui doit décider si ces enfants sont ou non sous la responsabilité de l’État français.
Soixante-seize parlementaires ont signé un appel pour le rapatriement des enfants et de leurs mères détenus arbitrairement en Syrie, affirmant que « Laisser périr ces enfants dans ces camps en les exposant directement à des traitements inhumains et dégradants est contraire à tous nos engagements internationaux ». Le député Jacques Maire soutient donc que le rapatriement de ces Français est un « impératif juridique ».
Pourtant, cet « impératif » a été nié par le Conseil d’État. Il est aussi contesté par le gouvernement, dès lors que cela implique le rapatriement des mères, considérées comme des combattantes.
Malgré cette jurisprudence française défavorable, le député des Hauts-de-Seine anticipe une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), qui n’a pas été encore rendue. En effet, un recours a été déposé en mai 2019, devant la CEDH, par les parents d’une femme actuellement détenue avec ses deux enfants dans le camp d’Al-Hol en Syrie. Or, il est vrai que la Cour a une vision différente, tenant peut-être plus compte de la situation qui prévaut dans les camps du nord-est de la Syrie. De nombreuses atteintes aux droits fondamentaux des enfants et des mères ont ainsi été constatées par le Défenseur des droits et le décès de jeunes enfants est notamment dénoncé par l’UNICEF.
De plus, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), estime que la position des juges français constitue un déni de justice et pour le Défenseur des Droits ces juges violent l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme, en restreignant l’accès au juge.
Effectivement, si en 2019 le tribunal administratif de Paris a rappelé le devoir général de protection de ses ressortissants qui incombe à l’État, y compris hors de ses frontières, le Conseil d’État a pour l’instant rejeté les demandes de rapatriement. Motif : le rapatriement nécessite des négociations avec des autorités étrangères, et un juge ne peut obliger l’exécutif à négocier avec un gouvernement étranger par respect du principe de séparation des pouvoirs.
L’affaire est désormais devant la CEDH. Techniquement, l’enjeu principal devant la Cour sera de déterminer si les enfants et leurs mères relèvent de la « juridiction » de la France. La juridiction d’un État est reconnue lorsque celui-ci exerce un pouvoir sur une personne. Une réponse positive de la Cour signifierait donc que le gouvernement serait responsable de la protection des droits fondamentaux des enfants et de leurs mères, ce qui pourrait impliquer leur rapatriement.
Après avoir été contacté, Jacques Maire, également président du groupe ALDE de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, précise que le Conseil de l’Europe a adopté une résolution sur la question le 30 janvier 2020 qui rappelle les obligations des pays, dont la France, au titre de la Convention internationale des droits de l’enfant. En effet, « l’Assemblée souligne que les enfants sont titulaires de droits à titre personnel et que leurs droits ne peuvent donc pas être compromis par les actions de leurs parents ». L’assemblée exhorte les États, dont la France « à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour assurer le rapatriement immédiat de tous les enfants dont les parents, considérés comme ayant fait allégeance à Daech, sont ressortissants de leur État, indépendamment de leur âge ou de leur degré d’implication dans le conflit ».
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