Pour la sénatrice Mélanie Vogel, les sept députés qui participent à la commission mixte paritaire à propos de la réforme des retraites “n’ont pas de mandat”
Auteur : Guillaume Baticle, master de droit public, Université de Picardie Jules Verne
Relecteur : Sophie de Cacqueray, maître de conférences en droit public, Aix-Marseille Université
Secrétariat de rédaction : Héreng Loïc et Emma Cacciamani
Source : BFM-TV, 12 mars 2023
Les députés n’ont pas besoin d’un mandat spécifique pour participer à la commission mixte paritaire et tenter de mettre d’accord Sénat et Assemblée nationale : cette mission fait déjà partie de leur activité dans le cadre du mandat parlementaire qu’ils tiennent de leur élection au suffrage universel.
Mélanie Vogel, sénatrice Europe-Ecologie-Les-Verts s’est exprimée sur les modalités d’adoption du projet de loi portant réforme des retraites. Après son passage mouvementé à l’Assemblée nationale et son adoption par le Sénat, le texte va être négocié en commission mixte paritaire réunissant des représentants des deux assemblées. La sénatrice critique cette procédure, estimant que les députés qui participeront à cette commission “n’ont pas de mandat“, faute d’accord obtenu à l’Assemblée nationale. Or, aucune trace de l’obligation d’un tel mandat ne se trouve dans la Constitution.
Une procédure législative spéciale
Le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS), qui en l’occurrence réforme le système des retraites, fait l’objet d’une procédure législative qui est propre aux lois de financement de la sécurité sociale. Voyant les débats s’éterniser à l’Assemblée nationale, le gouvernement a décidé de faire usage de l’article 47-1 de la Constitution, qui prévoit que si l’Assemblée ne statue pas dans un délai de vingt jours, le texte est renvoyé devant le Sénat. Les députés n’ayant réussi à réunir une majorité dans ce délai, le texte est passé entre les mains des sénateurs, lesquels se sont exprimés et ont adopté le texte.
Mais la procédure d’adoption du projet n’est pas terminée. Le PLFSS n’ayant pas été adopté en des termes identiques par l’Assemblée et le Sénat, ce qu’on appelle une “commission mixte paritaire” doit se réunir et tomber d’accord sur un texte final, qui sera ensuite soumis de nouveau au vote de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cette commission réunit sept députés et sept sénateurs. C’est à ce stade que se situe la critique de Mélanie Vogel.
Aucun “mandat” prévu par la Constitution
Selon Mélanie Vogel, l’Assemblée nationale n’ayant pas réussi à se prononcer sur le texte, les députés qui siégeront au sein de la commission mixte paritaire pour mettre d’accord Assemblée et Sénat n’ont donc pas de “mandat” pour participer à cette commission. On comprend ce qu’elle dénonce : l’Assemblée nationale ne s’étant pas prononcée sur le texte parce qu’elle s’est enlisée dans les débats, les députés qui vont siéger en commission mixte paritaire arriveront face aux sénateurs sans position prédéfinie à défendre, et devront, en quelque sorte, décider à la place de leur assemblée du sort de la réforme. Cela peut en effet choquer, d’autant que, selon le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la composition de la commission reflète la configuration politique des assemblées. Une majorité de députés Renaissance et de sénateurs Les Républicains, favorables au projet de réforme, pourra alors se dessiner dans cette commission mixte paritaire (dans le détail, la commission comprend trois députés de Renaissance, un du Rassemblement national, un de La France Insoumise, un du Modem, et trois sénateurs du parti Les Républicains, un du Parti Socialiste, un de l’Union centriste, un du Rassemblement Démocratique et Social Européen, et un du Parti communiste).
Reste que la procédure suivie actuellement est conforme à la Constitution, qui ne prévoit aucun “mandat” spécifique pour participer à la commission mixte paritaire. La participation à la commission mixte paritaire fait partie des missions des parlementaires et donc des députés : le mandat qu’ils ont reçu des électeurs vaut aussi pour exercer leurs fonctions au sein de cette commission chaque fois qu’il y a désaccord entre les deux chambres. Ils n’ont donc pas besoin d’un mandat supplémentaire qui viendrait d’une sorte de désignation ou de vote interne à l’Assemblée, et qu’aucun texte ne prévoit.
Contactée, Mélanie Vogel n’a pas répondu à notre sollicitation.
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