Pour Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, « la France n’a jamais été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme » pour rétention d’enfants de migrants
Dernière modification : 20 juin 2022
Autrice : Tania Racho, docteure en droit, Université Paris 2 Assas
Source : France Inter, La matinale, 19e minute
Si. Six fois. Sans compter les recommandations du Défenseur des droits. Adrien Taquet ne semble pas très au point sur cette question.
La question de l’enfance a été mise sur le devant de la scène le 20 novembre 2019 à l’occasion des 30 ans de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), que les juristes connaissent souvent pour l’obligation de prendre en considération « l’intérêt supérieur de l’enfant ». A cette occasion, Adrien Taquet répondait à une question sur les enfermements d’enfants en « centres de rétention administrative » (CRA), affirmant avec aplomb que la Cour européenne des droits de l’homme n’avait jamais condamné la France pour avoir enfermé des enfants en CRA.
Plusieurs éléments de décor d’abord : sous le terme de « centre de rétention administrative », la réalité ressemble de très près à une prison, si ce n’est que le tort des personnes enfermées est le statut irrégulier de leur séjour. Ensuite, les enfants, voire les nouveau-nés, ne sont pas seuls en CRA, ils sont nécessairement avec un membre de la famille ou un tuteur. Sinon, la France a l’obligation de prendre en charge les mineurs non accompagnés et ne peut les refouler.
En France, aucune réglementation n’interdit cette rétention d’enfants. Cependant, la Cour européenne des droits de l’homme a, de nombreuses fois (6 fois selon le décompte du journal Le Républicain Lorrain), condamné la France directement sur ce sujet. La première fois date en tout cas de 2012, avec le cas d’une famille retenue 15 jours avec un enfant de 3 ans et un bébé de 6 mois qui a entraîné le constat d’un traitement inhumain et dégradant par la France.
Les autorités administratives indépendantes françaises signalent également souvent le traumatisme que peut engendrer une telle détention, même brève, sur des enfants. Le défenseur des droits dit ainsi, dans une recommandation de 2018, que « la détention, même de courte durée, laisse les enfants anxieux, déprimés, avec des difficultés de sommeil et des problèmes dans leur développement psychique ». Le contrôleur général des lieux de privation de liberté estime qu’il faut ni plus ni moins interdire la rétention des enfants dans un avis de 2018, l’alternative étant par exemple l’assignation à résidence, notamment dans des hôtels logeant les familles d’étrangers.
Adrien Taquet ne semble pas très au point sur cette question.
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