Philippe Gosselin, député LR : l’État évite de rendre la vaccination obligatoire pour ne pas assumer financièrement les effets indésirables
Dernière modification : 27 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Source : FigaroVox, 2 janvier 2022
Difficile de mieux méconnaître la loi de la part de parlementaires : le Code de la santé publique prévoit bien l’indemnisation par l’État de toutes les conséquences des mesures sanitaires liées à l’état d’urgence, y compris celles tenant au vaccin.
Philippe Gosselin, député LR et Alain Houpert, sénateur LR, se fendent d’une tribune au FigaroVox pour affirmer que “le choix d’un «passe vaccinal» est un moyen pour l’État d’échapper aux conséquences juridiques et pécuniaires (sic) d’une vaccination obligatoire par la loi”. C’est faux.
La loi du 5 août 2021 met à la charge de l’État les effets indésirables en cas de vaccination obligatoire
Le Code de la santé publique rend obligatoire onze vaccins. En contrepartie l’État prend en charge financièrement les conséquences des éventuels effets indésirables, qui sont parfois très graves, et cela à travers l’établissement public ONIAM (Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales).
Sur cette base, les deux parlementaires en déduisent que les effets indésirables des vaccins contre le Covid-19 ne seraient pas pris en charge par l’État, puisque ces vaccins ne sont pas obligatoires. Ainsi, selon eux, l’État “se défausse en bricolant le montage juridique scabreux d’un « passe vaccinal » pour tous”.
Or, d’une part, la loi du 5 août 2021 (article 18) qui a créé le passe sanitaire et rend obligatoire la vaccination à l’égard de certaines professions, oblige l’État à prendre en charge “la réparation intégrale des préjudices directement imputables” à cette vaccination. L’ONIAM se tient prêt à dédommager les victimes, comme indiqué sur son site : la procédure est en place.
La loi du 23 mars 2020 met à la charge de l’État les conséquences des mesures d’urgence sanitaire, y compris la vaccination non obligatoire
D’autre part, s’agissant de la vaccination non obligatoire, le fondement juridique est différent : en cas de crise sanitaire, et avant même que l’état d’urgence n’ait été créé, la loi mettait déjà à la charge de l’État ”la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes (…) imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises” en cas de menace sanitaire grave. C’est ainsi que les victimes d’effets indésirables du vaccin contre la grippe H1N1, qui n’était pas obligatoire, ont été indemnisées par l’État (à travers l’ONIAM toujours). Un artisan plombier par exemple, qui a dû cesser son activité professionnelle en raison de troubles oculaires liés à ce vaccin, a été indemnisé. Des parents ont aussi pu obtenir une indemnisation pour leur fils ayant développé une narcolepsie avec cataplexie. Une procédure spécifique d’indemnisation avait été mise en place.
Et lorsque l’état d’urgence a été créé par la loi du 23 mars 2020, la même solution a été adoptée par le législateur, par renvoi : le Code de la santé publique, qui date de la loi de 2020, renvoie à un article antérieur déjà cité, qui prévoit donc l’indemnisation par l’ONIAM en cas de conséquences indésirables des mesures prises dans le cadre de l’urgence sanitaire. Or la vaccination a bien été mise en place dans le cadre des mesures prises pour lutter contre la pandémie, comme l’indique l’arrêté du ministre de la santé de juin 2021, qui renvoie à un décret d’octobre 2020 abrogé depuis. Une fois le pays sorti de la crise sanitaire, le vaccin sortira logiquement du régime d’indemnisation par l’État.
Deux régimes juridiques différents
Ainsi, la loi prévoit d’un côté l’indemnisation des effets de la vaccination rendue obligatoire pour certaines personnes, et de l’autre l’indemnisation des effets des mesures prises dans l’urgence pour tout le monde, dont la vaccination. Autre différence pour la vaccination non obligatoire, s’agissant d’une responsabilité liée à un produit de santé : l’ONIAM n’aura pas à indemniser s’il est prouvé que le vaccin est défectueux ; ce sera alors aux laboratoires concernés d’assumer les conséquences, devant un juge. Il faut pour cela qu’en l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de l’acte de vaccination, le défaut à l’origine de l’effet indésirable ait été connu ou décelable, ce qui n’a rien d’évident à prouver. Si cette preuve n’est pas établie, il n’y a donc pas de défectuosité. Enfin, rappelons que les premiers contrats d’achat de vaccins, négociés par l’Union européenne, avaient prévu la prise en charge financière par les États des éventuelles conséquences des vaccins élaborés dans l’urgence, et qu’on ne sait pas ce qu’il en est des contrats suivants. Il y a donc de fortes chances que les conséquences des effets indésirables incombent bien, dans la grande majorité des cas, à l’État (à travers l’ONIAM et le budget de la sécurité sociale).
Sollicité par nos soins, Philippe Gosselin a défendu son raisonnement, estimant que si la loi a prévu l’indemnisation en cas de vaccination obligatoire, c’est qu’elle l’a exclue en cas de vaccination non obligatoire. Il en veut pour preuve que chaque vacciné “signe une forme de décharge”.
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