Peut-on écoper d’une amende de 3 750 euros et d’un an de prison pour avoir critiqué Emmanuel Macron ?
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’université de Poitiers
Relecteurs : Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal à l’université de Lorraine
Maylis Ygrand, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’université de Poitiers
Source : Compte Facebook, le 31 août 2025
À en croire certains internautes, critiquer en ligne Emmanuel Macron sera bientôt punie d’un an de prison et de 3 750 euros d’amende. En réalité, ce « délit d’outrage en ligne », censuré en 2024 par le Conseil constitutionnel, n’est jamais entré en vigueur et n’existe pas dans le Code pénal.
Voilà une nouvelle infraction qui pourrait mettre à mal notre liberté d’expression sur Internet. Selon une vidéo, devenue virale sur les réseaux sociaux, critiquer Emmanuel Macron en ligne sera puni d’une amende de 3 750 euros et d’un an d’emprisonnement.
Pour appuyer ses propos, l’auteur de la vidéo renvoie à une publication sur le réseau social X, sans préciser son auteur ni la date à laquelle elle a été postée. Cette dernière annonce que « l’Assemblée nationale devrait bientôt adopter la loi visant à “sécuriser” l’espace numérique. Le sénateur centriste Loïc Hervé a décidé d’amender la loi et d’y ajouter un “délit d’outrage en ligne” ».
Conclusion, selon l’auteur de la vidéo : un simple manque de respect dirigé, au hasard, contre le président de la République sera bientôt sanctionné d’une amende de 3 750 euros, et ce, sans procès.
Sauf que si ce projet de loi visant à sécuriser l’espace numérique a bien été débattu au Palais Bourbon, l’article instituant le délit d’outrage en ligne n’est lui jamais entré en vigueur. Explications.
Une publication vieille d’un an
C’est un détail qui a son importance. Publié par la web-télé identitaire TV Libertés, le post, sur lequel s’appuie l’auteur de la vidéo, date… du 2 avril 2024. À cette époque, cette chaîne ne se trompait pas : le Parlement s’apprêtait à voter définitivement l’adoption de la loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (SREN).
Et après son adoption, le 10 avril 2024, la loi SREN comportait bien, à son article 19, un délit d’outrage en ligne, mais qui ne concernait pas spécifiquement le président de la République.
Toutefois de l’eau a depuis coulé sous les ponts. Suite à deux saisines déposées quelques jours après l’adoption, le Conseil constitutionnel a censuré, en mai 2024, ce délit. Selon les Sages, il « port[erait] une atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication » et ne serait pas « nécessaire, adapté et proportionné ».
La vidéo, qui circule actuellement sur les réseaux sociaux, s’appuie donc sur des informations datées. Alors qu’elle est encore abondamment repartagée, il n’y a pas à l’heure actuelle de délit d’outrage en ligne intégré au Code pénal, bien que des sanctions soient déjà prévues contre la diffamation, les injures et le harcèlement en ligne, y compris contre les personnes publiques.
Toutefois, même ces infractions sont difficiles à caractériser, car les juges estiment que des propos virulents, voire outranciers, peuvent être tenus, dans le cadre d’un « débat public d’intérêt général » contre des personnalités politiques, dont le président de la République.
Enfin, s’il a pu exister un délit d’offense au président de la République, celui-ci a été abrogé en 2013.