Paul Vannier (LFI) : il faut garantir « la gratuité réelle de l’Éducation nationale, un principe constitutionnel aujourd’hui qui n’est pas garanti »

Création : 31 août 2022
Dernière modification : 26 septembre 2022

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris Saclay 

Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng et Emma Cacciamani

Source : FranceInfo, 30 août 2022

Le groupe LFI annonce déposer une proposition de loi posant le principe de gratuité des fournitures, cantines et sorties scolaires, de façon à garantir ce qu’il appelle la “gratuité réelle de l’Éducation nationale”. Or l’enseignement est déjà gratuit juridiquement.

La gratuité de l’enseignement existe déjà 

En 1946, la Constitution a posé le principe selon lequel “l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État”. Cette disposition a été conservée sous la Constitution de 1958 et s’applique donc encore. À ce titre, il n’existe pas en France de frais d’inscription dans les écoles publiques, et les frais d’entrée à l’université, fixés par arrêté ministériel, varient de 170 à 400 euros selon les cursus, pour les étudiants résidant en France, avec des tarifs plus élevés pour certains cursus (ingénieurs par exemple). Ce n’est pas gratuit, mais le coût moyen d’un étudiant en France étant de 11 530 euros selon le ministère, le juge a pu considérer que les droits exigés étaient “modiques”, d’autant qu’ils s’accompagnent d’un système de bourse.

Ajoutons que cette gratuité n’est pas parfaite, il existe certaines failles : lorsque le lycée n’offre pas certaines options, les parents peuvent faire suivre cette option à leur enfant au Centre national d’études à distance (CNED), mais à leurs frais. De même, les cahiers d’exercice à remplir par l’élève, qui sont des publications payantes, ne sont pas pris en charge non plus, dit le juge.

Que serait une gratuité “réelle” ? 

Cette notion n’existe pas en droit, et elle est encore moins garantie par la Constitution contrairement à ce qu’affirme Paul Vannier. Toutefois il est incontestable qu’entre ce que prévoient les textes et la réalité, il existe souvent une marge : le coût de l’école pour les familles, ce ne sont pas seulement frais d’inscription. Ce sont aussi les frais annexes et indispensables comme les manuels, les fournitures, les tenues de sport, la cantine, etc. C’est d’ailleurs pour cela que sont déjà prévues par le Code de l’éducation, depuis 1982, certaines prises en charge, en particulier celle des manuels scolaires, fournis aux élèves. La gratuité “réelle” consisterait donc en une démarche non juridique mais politique, tendant à aller au-delà de la simple gratuité, qui existe déjà. 

Et en effet, on peut toujours aller plus loin et faire peser sur le contribuable le coût des fournitures, tenues de sport, cantine, transports, sorties scolaires, etc. Faire en sorte que l’école revienne à zéro euro aux familles peut conduire à faire prendre en charge par l’État les cours de soutien, cahiers d’exercices, les transports, y compris en voiture quand il n’existe pas d’autre moyen, les frais d’internat dans certains lycées, le loyer de la chambre d’étudiant et les différents coûts y afférents, les manuels universitaires et l’ordinateur personnel, etc.

Pourquoi pas. Mais alors il ne s’agit plus d’une gratuité au sens de la Constitution. C’est une politique d’éducation, avec les dépenses budgétaires qu’elle induit, et qu’il faut alors chiffrer pour ensuite dégager les recettes qui compenseront. En réalité, au sens du droit budgétaire, c’est la gratuité elle-même qui n’existe pas.

Contacté, Paul Vannier n’a pas répondu à nos sollicitations.

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