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Paris 2024 : Le triathlète a-t-il vomi parce que la Seine était polluée ?

Création : 1 août 2024
Dernière modification : 2 août 2024

Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Antoine Mauvy, étudiant en droit à l’université Paris II Panthéon-Assas

Source : Post Threads, le 31 juillet 2024

Après son épreuve de triathlon, ce mercredi 31 juillet, un athlète canadien a été pris de vomissements intenses. Alors que des internautes et des médias présentent cet événement comme une conséquence de son passage dans une Seine polluée, l’athlète assure qu’il a vomi à cause de l’effort intense et de la chaleur.

Il aurait probablement souhaité un peu d’intimité après cette épreuve difficile, mais malheureusement, les caméras du monde entier étaient braquées sur lui. Après son épreuve de course du triathlon, lors des Jeux Olympiques de Paris 2024, le Canadien, Tyler Mislawchuk a vomi à plusieurs reprises. 

Des publications estiment que la pollution de la Seine en serait la cause. “Une star olympique vomit en direct à la télévision après avoir été forcée de faire une course à la nage dans la Seine polluée”, commente une photo du média britannique Unilad partagée sur les réseaux. “Nous vous rappelons que les autorités françaises ont dépensé 1,4 milliard d’euros pour le nettoyage du fleuve. Il est clair que l’argent n’a pas été gaspillé”, développe un autre post Threads ironiquement.

“Absolument rien à voir avec la Seine”

Si médias et internautes ont été prompts à faire le lien entre l’eau de la Seine et les vomis répétés de l’athlète, Tyler Mislawchuk ne fait, lui-même, pas le lien. “Lorsque vous poussez votre corps à la limite, ce sont des choses qui arrivent”, explique l’athlète de 29 ans aux Surligneurs, par mail. 

Tyler a vomi parce qu’il a repoussé ses limites, ce qui arrive dans les sports d’endurance, en particulier dans la chaleur extrême, poursuit l’équipe olympique du Canada en réponse aux Surligneurs. Cela n’a absolument rien à voir avec la Seine et il n’est pas malade. Il va bien à 100 %.”

Il faut dire que les températures étaient déjà chaudes en cette matinée du 31 juillet 2024 à Paris. Lorsque Tyler arrive sur la ligne d’arrivée aux alentours de 12h30, il fait déjà 28°C. L’effort intense réalisé par les sportifs de haut niveau couplé à de fortes chaleurs peuvent en effet provoquer des vomissements de ce type. On l’a déjà vu plusieurs fois. Par exemple, aux JO de Tokyo en 2021, le triathlète norvégien s’était effondré juste après avoir terminé à la première place puis s’était mis à vomir. 

La Seine baignable : une flopée de désintox et critiques

Vomir n’est pas donc pas un événement inédit après une si longue épreuve physique. Mais pourquoi tant de haine envers cette Seine ? Il faut dire que la qualité des eaux du fleuve parisien est l’objet d’intenses controverses et fausses informations, sur lesquelles Les Surligneurs se sont déjà penchés ici et . Alors que la Seine est fermée à la baignade depuis 1923, l’idée de renverser la tendance est devenue un marronnier politique des maires successifs de la capitale depuis Chirac. 

Les pouvoirs politiques ont saisi l’occasion des JO pour tenter d’assainir le fleuve, mais le coût (1,4 milliard d’euros investis, dont la moitié par l’État) et les résultats font l’objet de vives controverses. En effet, l’épreuve de triathlon masculine qui devait se dérouler la veille (le 30 juillet), a été repoussée en raison d’une qualité de l’eau encore insuffisante.

Mercredi matin : une eau “très bonne” selon les organisateurs

C’est la Fédération Mondiale de Triathlon qui vérifie les niveaux de la bactérie Escherichia coli (E. coli) pour jauger si la baignade est dangereuse ou non. Et mardi soir, la veille de l’épreuve, les premiers résultats semblent donner un seuil assez moyen et légèrement au-dessus de ce qui est réglementé, selon Franceinfo (entre 868/100 mL et 2 870/100 mL, selon un laboratoire indépendant – alors que la Fédération réglemente le seuil entre 500 et 1 000/100mL). 

Lors d’un point presse, la porte-parole du Comité d’organisation des Jeux Olympiques, a annoncé que les prélèvements réalisés mercredi matin pour E. coli étaient compris “entre 192 et 308” UFC/mL. Selon les organisateurs la qualité de l’eau était donc “très bonne” pendant les épreuves.

Ces seuils sont-ils suffisants pour provoquer des vomissements quasi immédiats ? Certain.e.s athlètes se sont plaints de la qualité de l’eau. Comme l’athlète espagnole, Anna Godoy qui estime que la Fédération s’est “moqué” des triathlètes. “Si on avait pensé à la santé des athlètes, cela n’aurait pas été fait ici et il y aurait eu un véritable plan B“, explique-t-elle au journal Marca où elle critique d’une façon générale les lieux choisis par la Fédération internationale de triathlon.

Je ne pense pas que 30 minutes après avoir nagé, la qualité de l’eau puisse être prise en compte”, estime quant à lui, Tyler Mislawchuk qui a déclaré avoir vomi une dizaine de fois. D’après lui, la quantité de liquide ingéré pourrait avoir plus d’importance que son contenu en ce qui concerne le fait de vomir.

Période d’incubation d’au minimum huit heures

La chercheuse en microbiologie clinique à l’université de Leicester, Primrose Freestone, lui donne, en partie, raison. “Pour l’E. coli, le CDC américain – Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, N.D.L.R – suggère que la période d’incubation peut aller de 8 heures à plusieurs jours avant que la maladie ne se manifeste”, explique-t-elle aux Surligneurs. 

Pour autant, d’autres éléments que la bactérie E. coli peuvent entrer en jeu. “Pour un polluant chimique, les vomissements peuvent être provoqués dans un délai de quelques minutes à quelques heures, nuance la chercheuse. Pour les polluants mixtes, comme on peut s’y attendre dans la Seine, il n’est pas possible d’indiquer un délai pour provoquer des vomissements.”

Cette hypothèse paraît peu probable au regard des déclarations de l’athlète lui-même. “À part le fait d’être épuisé par une performance dont je suis extrêmement fier, je suis en bonne santé et de bonne humeur aujourd’hui”, a-t-il déclaré aux Surligneurs. Une aussi belle neuvième place aux Jeux Olympiques vaut bien l’effort intense et le vomi retransmis à travers les télés du monde entier, semble-t-il.

 

Mise à jour : le 2 août avec la déclaration du Cojo et la déclaration d’Anna Godoy.

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