Oui, le réchauffement climatique a bien une incidence sur le rallongement des jours
Autrice : Maylis Ygrand, étudiante à l’École publique de journalisme de Tours
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Antoine Mauvy, étudiant en droit à l’université Paris II Panthéon-Assas
Source : Post Facebook, 16 juillet 2024
Dans un post, publié le 16 juillet dernier, une internaute s’interroge quant à l’impact du réchauffement climatique sur le rallongement de nos journées. Pour elle, les chercheurs, à l’origine de tels propos, “racontent vraiment que des débilités”. Pourtant, ce ne sont là que les avancées scientifiques récentes.
L’augmentation du niveau de la mer engendrerait un allongement des jours. Voilà les résultats d’une étude publiée le 15 juillet dernier, dans la revue de l’Académie nationale des sciences (PNAS) des États-Unis. Un énième effet du réchauffement climatique qu’on n’avait pas vu venir et auquel certains ne veulent pas croire.
Dans un groupe Facebook clairement climatosceptique, une internaute s’insurge des résultats de cette étude : « Ils racontent vraiment que des débilités !! » Une véhémence qui nous ferait presque douter de nos confrères suisses du journal, Le Matin, qui relaient le rapport en question.
Alors, pour en avoir le cœur net, les Surligneurs ont décidé de vérifier par eux-mêmes.
La Terre en patineuse
Les chercheurs, à l’origine de cette étude, sont partis du constat qu’au cours des dernières décennies, le changement climatique d’origine humaine « a accéléré la fonte des glaciers et des calottes polaires ». À partir de ce fait établi, ils se sont interrogés quant aux conséquences d’une élévation de la mer, soit d’un déplacement de masse d’un pôle à un autre.
En effet, avec la fonte des glaces, l’eau quitte les zones polaires et vient se répartir à la surface de la Terre. Une uniformisation non sans conséquences pour le rayon de la planète bleue. Cette dernière, en voyant sa forme changée, subit « à la longue une augmentation de son moment d’inertie », expose Christian Bizouard, astronome français, directeur de recherche au SYRTE de l’Observatoire de Paris.
« C’est à l’image d’une patineuse qui vient écarter ses bras pour ralentir », illustre l’astronome. Plus concrètement, « quand elle tourne sur elle-même et qu’elle écarte ses bras, elle voit sa vitesse de rotation sur elle-même diminuée ». Et ce car « si on agrandit le rayon d’un objet en rotation, il ralentit en vitesse de rotation », appuie Joël Sommeria, chercheur au CNRS, spécialisé dans la mécanique des fluides. Or, c’est exactement ce qui arrive lorsque les eaux des zones polaires arrivent vers les zones équatoriales.
Et « si la Terre tourne moins vite, la longueur du jour sera rallongée », poursuit Séverine Rosat, directrice de recherche au CNRS, spécialisée en géophysique. Mais attention, on ne parle que de « quelques millisecondes ». Et sans aucune conséquence notable, selon Christian Bizouard.
Réchauffement climatique, mais pas que
Ainsi donc, contrairement aux dires de l’internaute, le réchauffement climatique pourrait bien être, en partie, responsable d’un allongement de nos journées. Mais pour justifier son propos, l’internaute copie-colle un passage de la page Wikipedia de la “Rotation de la Terre”.
Dans cet extrait, il est fait mention de l’interaction entre le noyau fluide et le manteau de la Terre qui provoque, sur le long terme, un ralentissement minime de la rotation de la Terre (une augmentation de la longueur du jour de deux à quatre millisecondes sur deux siècles).
D’après les chercheurs interrogés par Les Surligneurs, cette partie est vraie. Le réchauffement climatique n’est pas le seul à avoir un impact sur la rotation de la Terre.
« Il est en compétition avec d’autres effets », nuance Joël Sommeria. Effectivement, « l’action la plus forte est celle de l’interaction entre le noyau et le manteau », rend compte Christian Bizouard. Mais on sait également que « l’attraction de la Lune exerce une friction de marée qui ralentit la Terre », illustre Séverine Rosat.
Cependant, si cette nouvelle étude ne remet pas en cause les autres effets, elle note une différence de taille. »Les effets climatiques se déroulent sur des échelles de temps humaines, plus courtes, que ceux créés par la Lune », détaille la scientifique.
Et c’est justement sur ce point que les auteurs de l’étude au titre très parlant (“Le rôle de plus en plus prépondérant du changement climatique sur les variations de la durée du jour”), insistent. Dans le cadre de scénarios d’émissions élevées, les effets dus au climat pourraient dépasser ceux produits par la Lune.
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