Matthieu Riegler, CC 3.0

Olivier Véran: “la vaccination des 50 ans et plus ne se fera pas à Cannes tant qu’elle n’aura pas été décidée au niveau national”

Création : 29 mars 2021
Dernière modification : 21 juin 2022

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université de Paris-Saclay

Source : Nice-Matin, le 26 mars 2021

L’ordre des vaccinations repose sur des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) qui ne sont obligatoires que pour les services de l’État, lequel a décidé de s’y soumettre. Pas les autorités décentralisées. Tant que les personnes éligibles à la vaccination selon la HAS, et qui le demandent, reçoivent leur vaccin, un maire peut ouvrir la vaccination aux personnes non éligibles… s’il lui reste des doses.

Le maire de Cannes, David Lisnard, celui d’Antibes, Jean Léonetti, et quelques autres s’apprêtent à lancer la vaccination des plus de 50 ans sans comorbidités. De quoi contrarier le ministre de la Santé qui s’appuie sur les recommandations de la Haute autorité de santé telles que relayées par le site de son ministère, pour opérer tri minutieux parmi les candidats au vaccin : “Je regrette que (le maire de Cannes) l’ait fait de manière autonome sans alerter ni la direction générale de l’ARS ni même le préfet”. Et d’ajouter que cette vaccination “ne se fera pas” tant qu’elle n’aura pas été décidée au niveau national.

Reste que ces recommandations de la Haute autorité de santé ne s’imposent qu’aux services de l’État, lequel a décidé de s’y soumettre. Les dispensaires municipaux ainsi que les “vaccinodromes” ouverts par les mairies peuvent tout à fait administrer des vaccins aux plus de 50 ans sans comorbidités sous le contrôle de professionnels de santé, sans qu’aucun texte ne s’y oppose. Si un maire ne peut utiliser son pouvoir de police pour contrecarrer les interdictions prononcées par le gouvernement ou les préfets, la campagne actuelle de vaccination ne résulte pas d’une mesure de police nationale ou préfectorale qu’un maire serait tenu de suivre à la lettre. Contacté, le ministère des Solidarités et de la Santé n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Vient alors une question : une personne de 90 ans non vaccinée qui attraperait la covid-19 faute d’avoir été vaccinée, pourrait-elle mettre la mairie en cause ? C’est ce que semble affirmer le ministre : “Je suis certain (…) que l’on peut trouver à Cannes des personnes âgées de 85, 90 ans, qui n’ont pas encore été vaccinées (et) qui ne comprendront pas que des personnes de plus de 50 ans en très bonne santé, puissent avoir un rendez-vous”. Il est vrai que le juge tient parfois compte du manque d’information et de sensibilisation de la population contre un danger, pour déclarer que l’administration est responsable de certaines affections (par ex. l’absence d’information contre les dangers de l’amiante jusque dans les années 1980). Mais dans le cas présent, l’information, nationale comme locale, sur tous les canaux, est pléthorique. Il y a donc lieu de croire que les personnes âgées non vaccinées ne souhaitent pas l’être. La mairie, à supposer qu’elle en ait les moyens humains, ne saurait s’immiscer dans leur vie privée.

En somme, et sauf si Olivier Véran entend faire passer un décret contraire, les maires peuvent tout à fait ouvrir la vaccination à tous, sous trois réserves : 1/ mettre de côté par précaution des doses pour les personnes éligibles selon la HAS, au cas où elles se manifesteraient ; 2/ que les professionnels de santé soient mis en mesure de décider librement de vacciner ou non en fonction de chaque personne ; 3/ qu’il y ait suffisamment de doses : le ministre pourrait-il bloquer l’acheminement des doses vers les communes récalcitrantes ? C’est un autre débat.

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