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Montage réalisé à partir d’une véritable image de l’objet interstellaire 3I/ATLAS, à laquelle ont été ajoutées des silhouettes d’aliens fictifs, à des fins d’illustration. Photo de 3I/Atlas : Filipp Romanov. CC BY-SA 4.0. Image d'aliens : Luke Hancock. Domaine public. Filtre jaune.

Nouvel objet interstellaire : rien ne prouve une origine alien

Création : 30 juillet 2025

Autrice : Nicolas Turcev, journaliste 

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Arxiv, le 16 juillet 2025

Repéré début juillet dans notre système solaire, l’objet interstellaire 3I/ATLAS est soupçonné par plusieurs internautes d’être une sonde extraterrestre. Mais les chances pour que ce scénario se vérifie sont proches de zéro.

Des aliens ont-ils lancé une vaste opération d’espionnage de notre planète ? C’est l’hypothèse un peu folle avancée dans un article scientifique enregistré, le 16 juillet, sur le site de pré-publication Arxiv, qui permet d’accéder aux études avant leur validation par les pairs. Les auteurs émettent l’idée que le nouvel objet interstellaire 3I/ATLAS, détecté début juillet dans notre système solaire, pourrait être une sonde d’origine extraterrestre.

Relayée dans plusieurs médias à sensation, l’information est aussitôt devenue virale sur les réseaux sociaux. Plusieurs internautes s’alertent de la présence de cet « objet mystérieux » qui « pourrait être un vaisseau extraterrestre hostile ou une sonde extraterrestre avancée ».

L’un des auteurs de l’article, l’astrophysicien états-unien Avi Loeb, s’est déjà illustré dans le passé pour avoir tenté d’établir un lien entre des objets interstellaires et d’hypothétiques formes de vie intelligentes extraterrestres. Sans parvenir à convaincre ses pairs, qui ont conclu que ces corps étaient d’origine naturelle.

Là encore, d’après la plupart des spécialistes, 3I/ATLAS est plus probablement une comète éjectée hors de son système solaire qu’un objet conçu par une distante civilisation.

Un « exercice de pédagogie » qui frôle la science-fiction

Repéré par la Nasa le 1er juillet, 3I/ATLAS est seulement le troisième objet interstellaire connu à visiter le système solaire. Les scientifiques ont déduit son origine de la trajectoire de son orbite et de sa vitesse, trop rapide pour être affectée par la gravité du soleil. « En d’autres mots, […] [3I/ATLAS] traverse simplement notre système solaire et continuera [ensuite] son voyage dans l’espace interstellaire », explique la Nasa sur son site.

D’après l’article paru sur Arxiv, cette incursion pourrait être une opération extraterrestre « hostile ». Les auteurs, qui présentent leur démarche comme un « exercice pédagogique », émettent l’hypothèse que 3I/ATLAS puisse être un objet technologique visant à déployer des dispositifs d’observation dans notre système solaire.

Les scientifiques s’inscrivent dans la théorie de la « forêt sombre ». Selon cette hypothèse, si l’humanité n’a pas encore trouvé de trace de vie intelligente dans l’univers, c’est parce que les aliens se sont rendus indétectables, de peur d’être détruits par une autre civilisation extraterrestre. Ou, au contraire, pour observer leurs proies dans l’ombre avant d’attaquer.

Ces conclusions sont fondées sur une hypothèse amusante pour l’esprit, mais très peu probable.

Or, comme le note la Nasa, 3I/ATLAS sera justement indétectable depuis la Terre lorsqu’il s’approchera du soleil. D’après les auteurs, d’hypothétiques aliens pourraient choisir ce moment pour s’arrimer au soleil en toute discrétion – et ainsi commencer à espionner leur cible : l’humanité. « Si cette hypothèse s’avère correcte, les conséquences seraient potentiellement terribles pour l’humanité, et pourraient nécessiter que des mesures de défense soient prises », écrit Avi Loeb sur son blog personnel.

Faut-il paniquer ? « Ces conclusions sont fondées sur une hypothèse amusante pour l’esprit, mais très peu probable », rassure Maryvonne Gérin-Laslier, astrophysicienne, chercheuse au CNRS et spécialiste du milieu interstellaire. « À l’heure actuelle, la meilleure hypothèse et la plus probable est qu’il s’agit d’un objet naturel de type comète. L’hypothèse technologique, même si elle ne peut pas être complètement exclue, a une probabilité très voisine de zéro. »

Les auteurs le reconnaissent d’ailleurs eux-mêmes. « De loin, la conclusion la plus probable sera que 3I/ATLAS est un objet interstellaire complètement naturel, probablement une comète », écrivent les scientifiques. Qui laissent tout de même planer le doute : « Nous attendons les données astronomiques qui soutiendraient cette probable origine ».

Des « anomalies » pas si anormales

Leur indécision se fonde sur une série « d’anomalies » dans les propriétés de 3I/ATLAS. Premièrement, les scientifiques ont observé que cet objet interstellaire était bien plus rapide que les deux précédents repérés dans le système solaire, ‘Oumuamua en 2017, et 2I/Borisov en 2019.

À la vitesse à laquelle file cet objet à travers notre bout d’espace – 221 000 kilomètres par heure – il est impossible pour l’humanité de tenter de l’intercepter, observent les auteurs de l’étude. Comprendre : des aliens qui ne souhaitent pas faire de mauvaise rencontre ne se comporteraient pas autrement.

Mais la vélocité de 3I/ATLAS est-elle vraiment anormale ? Comme les astronomes ne disposent que de deux points de comparaison, « il n’y a pas de statistique pertinente sur [les] propriétés » des objets interstellaires, tempère Maryvonne Gérin-Laslier. Surtout, la vitesse élevée de 3I/ATLAS « fait partie des paramètres possibles » issus d’une modélisation de la mission européenne GAIA qui tente de déterminer l’origine de son étoile.

Autre motif de suspicion pour les auteurs de l’étude : les premières observations n’ont pas détecté « d’éléments volatils » autour de 3I/ATLAS. À mesure que les comètes se rapprochent du soleil, leur corps composé de glace se réchauffe et les composés chimiques stockés à la surface sont éjectés sous forme gazeuse. Mais « la distance de [3I/ATLAS] est encore lointaine pour pouvoir détecter [ces] éléments volatils », objecte Maryvonne Gérin-Laslier.

La spécialiste rajoute que « les nouvelles observations ont permis de détecter une coma, c’est-à-dire une éjection de matière ». La coma, plus communément connue sous le nom de chevelure, indique un dégagement gazeux des matières stockées sous forme de glace, caractéristique des comètes. L’identification des éléments volatils précis qui la composent devrait intervenir dans les prochaines semaines, lorsque 3I/ATLAS sera plus proche de la Terre. Et la probabilité d’une offensive alien toujours aussi lointaine.