Image d'illustration. Libre de droit.

Non, rien n’indique que l’attentat sur un marché de Noël en Allemagne est l’œuvre d’un « terroriste islamiste »

Création : 27 décembre 2024

Auteur : Lili Pillot, journaliste

Relectrice : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Facebook, le 24 décembre 2024

Malgré les informations divulguées par la presse et les autorités, la thèse d’un attentat islamiste sur le marché de Noël allemand de Magdebourg circule toujours. Jusqu’à nier le profil du principal suspect qui se dessine : celui d’un saoudien athée, potentiellement islamophobe et sympathisant de l’extrême droite. 

Lorsque l’ambiance a basculé sur le marché de Noël de Magdebourg, ville allemande au sud-ouest de Berlin, le 20 décembre 2024, les extrêmes droites allemandes et françaises, se sont empressées d’en tirer des conclusions.

L’homme de 50 ans, qui a foncé dans la foule avec une BMW faisant 5 morts et 200 blessés, serait un islamiste radical, venu s’attaquer aux racines chrétiennes des Européens. Et ceux qui disent le contraire seraient des menteurs, ou tout simplement dans le déni. 

« Quelle polémique HYPOCRITE parce qu’INUTILE : un islamiste terroriste a à nouveau tué et blessé des innocents ! Non ??? Renvoyons enfin tous ces envahisseurs… Que l’extrême-gauche avoue enfin ses idioties ! », s’insurge un internaute sur Facebook le 24 décembre. 

De prime abord, l’attaque fait écho à de précédents attentats, officiellement catégorisés comme terroristes islamistes. En Allemagne, le 19 décembre 2016, un homme au volant d’un camion-bélier tue une dizaine et en blesse une cinquantaine sur le marché de Noël à Berlin. L’auteur présumé des faits avait agi sur ordre de l’État islamique (EI). 

En France, deux ans plus tard, le 11 décembre 2018, 5 personnes meurent et 11 sont blessées dans une attaque perpétrée par Cherif Chekatt sur le marché de Noël de Strasbourg. L’homme avait revendiqué son allégeance à l’EI dans une vidéo. 

Pourtant, le profil du suspect de l’attaque de Magdebourg semble différent, et plus complexe que dans les précédentes attaques. Au fil des jours et de l’enquête, l’hypothèse d’un mobile islamiste s’est éloignée. L’auteur aurait même agi en réaction à la supposée clémence de l’Allemagne vis-à-vis des musulmans. 

« L’Allemagne veut islamiser l’Europe »

Très vite après les faits, les enquêteurs se sont intéressés au profil du principal suspect. Et ce qu’ils ont trouvé est quelque peu différent des précédentes attaques du même genre. 

L’auteur présumé des faits, un certain Taleb al-Abdulmohsen, dispose du statut de réfugié en Allemagne depuis 2016. Il est saoudien et exerçait en tant que psychiatre dans le Land de la Saxe-Anhalt, avant d’être déclaré inapte au travail, rapporte nos confrères de la chaîne allemande MDR Fernesehen

À côté de ses activités de médecin, l’homme était actif et connu parmi le réseau des réfugiés et des demandeurs d’asile. Sur internet, il partageait son expérience et des conseils sur l’immigration

Mais sur X, ses prises de positions de plus en plus critiques vis-à-vis de l’islam interrogent. En biographie de son compte, il écrivait « L’Allemagne veut islamiser l’Europe ». Plusieurs internautes ont remarqué qu’il relayait des posts liés à l’extrême droite

Taleb al-Abdulmohsen relaie des publications en lien avec Alice Weidel, cheffe de file du parti d’extrême droite allemand l’AfD pour les législatives de février 2025.

 

Comme l’expliquent de nombreux médias, Taleb al-Abdulmohsen était loin de se considérer comme musulman. Selon Le Monde, dans un entretien à l’AFP en 2022, le suspect « s’était présenté comme ‘un Saoudien athée’, affirmant que les ‘jeunes de son pays, en particulier les femmes, ne fuient pas seulement le régime, ils fuient aussi l’islam ». France 24 nous apprend qu’il avait également confié au média allemand Frankfurter Rundschau avoir été  « menacé de mort pour apostasie de l’islam ». 

Taleb al-Abdulmohsen est également considéré comme un opposant au régime saoudien, connu pour son application rigoriste de l’islam. Les autorités allemandes ont confirmé qu’elles avaient été informées de la potentielle dangerosité du suspect par Riyad. Le Royaume du Moyen-Orient aurait même demandé l’extradition de son ressortissant à plusieurs reprises, selon une source anonyme proche du gouvernement qui s’est adressée à l’AFP

Un mobile encore flou 

Le lendemain de l’attaque, le 21 décembre 2024, la ministre fédérale de l’intérieur, Nancy Faeser, a déclaré que l’auteur présumé est « islamophobe »

Comment expliquer qu’un médecin, inséré dans une communauté, puisse être l’auteur d’un tel drame ? Pour le moment, son mobile est encore flou. Ce qui est sûr, c’est que la piste de la motivation religieuse s’est éloignée. 

Le procureur chargé de l’affaire, Horst Nopens, a déclaré samedi 21 décembre en conférence de presse que « le mécontentement face à la gestion des réfugiés saoudiens » pourrait avoir été le déclencheur de l’acte. 

En aout 2024, il postait sur X : « Existe-t-il un moyen d’obtenir justice en Allemagne sans faire exploser une ambassade allemande ou massacrer sans discernement des citoyens allemands ? Je cherchais ce chemin paisible depuis janvier 2019 et je ne l’ai pas trouvé ». 

Loin d’être avéré, le mobile religieux islamique n’est plus envisagé comme une piste sérieuse par les enquêteurs. A priori, l’enquête se dirige plutôt vers un acte justifié par une colère envers les institutions et autorités allemandes.

 

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