Non, on ne peut pas vraiment savoir si un fruit a été génétiquement modifié avec un code à cinq chiffres
Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Réel Facebook, le 17 septembre 2024
Depuis plusieurs années, des publications sur les réseaux sociaux affirment qu’il serait possible de savoir d’un coup d’œil sur l’étiquette si les fruits et légumes sont bio, avec pesticides ou génétiquement modifiés. Si c’est un beau projet, il n’est pas vrai.
Pesticides, bio, local, génétiquement modifié… Pas facile de s’y retrouver devant les étalages de fruits et légumes en vrac. Une croyance, qui a la peau dure, veut que nous pourrions déchiffrer simplement les caractéristiques d’un fruit ou d’un légume à la lecture d’un code à chiffres sur l’étiquette directement apposée dessus.
C’est en tout cas ce qui circule depuis des années sur les réseaux sociaux. “Connaissez-vous la signification des étiquettes sur les fruits et légumes que vous achetez ?”, s’interrogent des internautes avant de lister la teneur des différentes étiquettes.
Un code à quatre chiffres qui commence par 3 ou 4 ? Le fruit serait “produit avec des engrais artificiels”. Un code à cinq chiffres qui commence par un 9 ? Le fruit serait “produit sans pesticide ni engrais”. Un code à cinq chiffres qui commence par un 8 ? Le fruit serait “génétiquement modifié”.
En réalité, ce bon plan qui doit nous faciliter la vie… n’en est pas vraiment un. Les affirmations sont partiellement fausses ou datées. Et surtout, elles ne s’appliquent pas en France.
Un code qui se veut mondialement commun
Ces chiffres correspondent aux PLU (Price Look Up, en anglais). Déterminé par l’International Federation for Produce Standards (IFPS), ces codes servent à rendre l’inventaire des fruits et légumes en vrac plus simple.
Un primeur qui entrerait le code d’une pomme, par exemple, pourrait directement savoir, sans se tromper, quelle est la variété et quel est le prix correspondant dans le catalogue.
Les codes correspondent effectivement à des caractéristiques, mais pas exactement à celles annoncées dans les publications sur les réseaux sociaux. “Les codes PLU à quatre chiffres commençant par un trois ou un quatre indiquent que le fruit ou le légume a été cultivé de façon conventionnelle”, confirme aux Surligneurs une porte-parole de l’International Fresh Produce Association (IFPA), membre de l’IFPS.
Pour savoir si le fruit ou légume est bio, il faut chercher les codes à cinq chiffres qui commencent par un neuf et qui sont suivis d’un code PLU qui correspond à la caractéristique “cultivé de façon conventionnelle”, précise l’IFPA.
Concernant la modification génétique, là, c’est encore plus complexe. D’après l’IFPA, les codes à cinq chiffres qui commençaient par un huit avaient, “dans le passé”, bel et bien été réservés pour indiquer les fruits et légumes génétiquement modifiés. Ce n’est plus le cas, nous apprend l’IFPA.
En 2022, une responsable de l’identification des produits chez l’IFPS avait même été plus loin en assurant à l’AFP que ce code à cinq chiffres commençant par un huit n’avait “jamais été utilisé”. D’après l’IFPS, le fait que les fruits et légumes étaient génétiquement modifiés ou pas n’avait pas eu de répercussions sur les prix et il n’avait donc pas été nécessaire d’avoir des étiquettes spécifiques.
Aujourd’hui, il ne devrait pas y avoir de codes PLU à cinq chiffres qui commencent par un huit dans les rayons, contrairement à ce qui est présenté dans les publications. « Ils ne sont pas encore utilisés », explique la porte-parole de l’IFPA aux Surligneurs. “Ils sont réservés pour quand les PLU commençant par trois ou quatre auront été épuisés.”
Interdiction de ces étiquettes en France
Si ces indications sont utilisées à travers le monde, en France, c’est plus compliqué. Une loi de 2020 sur le gaspillage et l’économie circulaire interdit d’apposer des étiquettes directement sur les fruits et légumes “à l’exception des étiquettes compostables en compostage domestique et constituées en tout ou partie de matières biosourcées”.
L’Interfel, le lobby des produits frais en France, a tenté de faire retoquer cet article au motif qu’il porterait “une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre” et qu’il instituerait “une double différence de traitement injustifiée” entre les producteurs et exportateurs français et leurs homologues étrangers. Mais leur question prioritaire de constitutionnalité auprès du Conseil constitutionnel a confirmé que les dispositions contestées étaient conformes à la Constitution.
La loi française prévoit qu’une affichette ou un écriteau soit placé à proximité du produit en mentionnant la dénomination de vente, la présence d’allergènes et l’état physique du produit (décongelé, cuit, etc.).
Pour savoir si des produits frais sont bios (et sans OGM), la réglementation française et européenne se base plutôt sur des labels. La certification AB (Agriculture Biologique) est le label français créé par le ministère de l’Agriculture, tandis que le logo Eurofeuille est l’européen qui respecte le cahier des charges de l’UE en matière d’agriculture biologique. Le label français est facultatif, tandis que le label européen est facultatif pour les denrées alimentaires importées.
Concernant les produits génétiquement modifiés, il existe un étiquetage obligatoire commun à tous les États membres de l’Union européenne.
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