Non, Octobre Rose “n’appartient” pas à AstraZeneca
Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Relectrice : Lili Pillot, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Hugo Guguen, juriste
Source : Compte Facebook, le 18 octobre 2024
Une fausse rumeur circule selon laquelle l’initiative Octobre Rose “appartiendrait” à AstraZeneca, une entreprise pharmaceutique. L’ancêtre d’AstraZeneca a bien lancé une campagne de sensibilisation au cancer du sein en 1985, mais, aujourd’hui, il existe de nombreuses organisations qui coordonnent les événements d’Octobre Rose et qui n’ont rien à voir avec AstraZeneca.
Le petit ruban rose que vous voyez fleurir sur les costards des professeurs de droit les plus sérieux chaque année au mois d’octobre serait-il une arnaque ? C’est ce qu’affirme sans broncher un médecin généraliste devant sa caméra. “Octobre Rose […] c’est des grosses conneries, ça appartient à AstraZeneca qui vend des produits de chimiothérapie des cancers du sein”, déclare-t-il.
Pour lui, c’est la preuve de “l’influence gravissime du lobby médicamenteux” qui vous empêcherait “d’avoir des produits qui vous tiennent en pleine santé”. Cette tirade anti-« Big Pharma » repose néanmoins sur une fausse affirmation.
Octobre Rose est en réalité le pendant français d’une grande campagne internationale qui vise, chaque année au mois d’octobre, à informer et sensibiliser sur les cancers du sein et soutenir la recherche sur le sujet.
Une origine outre-Atlantique dans les années 80
Mais d’où vient cette idée que l’initiative “Octobre Rose” appartient à un grand groupe pharmaceutique comme AstraZeneca ?
Ce raccourci vient du fait que l’une des entreprises à l’origine de la première semaine de sensibilisation autour du cancer du sein soit devenue, au fil des ans, via des fusions d’entreprises, AstraZeneca.
En 1985, aux États-Unis, c’est un partenariat entre le “National Cancer Society” et Imperial Chemical Industries qui lance le mouvement. Or, la branche pharmaceutique de l’Imperial Chemical Industries se scinde en 1993 pour devenir Zeneca. Cette entreprise fusionne, en 1999, avec le groupe suédois Astra, créant donc le fameux AstraZeneca.
Il est vrai qu’AstraZeneca a continué à participer au National Breast Cancer Awareness Month (NBCAM) via sa fondation pendant plusieurs années. On en trouve la trace sur leur site internet qui présente cette campagne comme un “programme héritage” qui a duré “plus de 30 ans”. Mais affirmer que le mois d’Octobre rose appartient à AstraZeneca est faux.
“Aujourd’hui, ni AstraZeneca ni aucune autre industrie pharmaceutique ne sont directement liées au mois de sensibilisation au cancer du sein, explique aux Surligneurs le service communication d’AstraZeneca par mail. Il s’agit d’un mouvement porté par des milliers de personnes et d’organisations dans le monde chaque année pour sensibiliser au cancer du sein et à l’importance du dépistage et du diagnostic précoces.”
Aujourd’hui, il existe, à travers le monde, de très nombreuses associations et initiatives qui ont pour but de sensibiliser autour du cancer du sein et qui se sont ralliées autour de ce mois rose. Après la naissance de cette première campagne de sensibilisation aux États-Unis en 1985, la campagne est rééditée, au fil des ans. Mais ne prend de l’ampleur qu’au début des années 90.
Le sujet du cancer du sein trouve sa place dans l’espace médiatique, notamment aux États-Unis lorsque la première dame, Nancy Reagan, rend public son diagnostic de cancer du sein en 1987. De plus en plus d’événements sont organisés pour faire de la prévention. En 1991, Janelle Hail, une femme ayant développé et combattu son cancer du sein, crée une fondation, la National Breast Cancer Foundation, pour sensibiliser le public à ce sujet.
À peu près au même moment, une autre américaine, Charlotte Haley, dont les proches ont développé des cancers du sein, utilise le fameux ruban — d’abord pêche — avec une carte qui indiquait : “Le budget annuel de l’Institut national du cancer s’élève à 1,8 milliard de dollars, dont 5 % seulement sont consacrés à la prévention du cancer. Aidez-nous à réveiller nos législateurs et l’Amérique en portant ce ruban”.
Multiplication des organisations autour de ce mois rose
Si Charlotte Haley refuse toute démarche commerciale, son idée de ruban infuse, et, en 1992, le ruban, rose cette fois, est distribué à l’occasion d’un numéro spécial “cancer du sein” du magazine américain Self. Publié en partenariat avec la marque de cosmétiques Estée Lauder, le numéro sort à l’occasion du “Breast Cancer Awareness Month”.
L’année d’après, la vice-présidente de la marque, Evelyn Hauder, et la rédactrice en chef de Self, Alexandra Penney, créent une nouvelle fondation, la Breast Cancer Research Foundation, une association à but non lucratif qui soutient la recherche. Le président Bill Clinton instaure même une journée nationale de la mammographie (toujours en place aujourd’hui aux États-Unis).
La campagne se démocratise et s’internationalise. Elle arrive en France en 1994 avec un partenariat entre l’entreprise Estée Lauder et le magazine féminin Marie-Claire avec la création d’une association qui s’appelle aujourd’hui Ruban Rose.
Par exemple, en France, l’association Ruban Rose montée par le groupe de cosmétiques Estée Lauder et Marie-Claire est financée par un mécénat d’une multitude d’entreprises comme “U” ou “Camaieu”, reversé majoritairement à la recherche. De la même façon, la campagne “Octobre Rose” de la Ligue contre le cancer est financée par des dons et legs de particuliers et d’entreprises.
Des organisations, comme le Breast Cancer Action, ont par ailleurs décidé de ne pas recevoir de financements de la part d’entreprises qui ont des intérêts économiques dans le diagnostic et la guérison du cancer du sein.
Malgré les nobles ambitions du mouvement, ce n’est pas la première fois qu’Octobre Rose est attaqué. Outre le pinkwashing dont ont été accusées certaines entreprises pour ces occasions, c’est parfois l’utilité des mammographies qui est remise en question avec des arguments pas vraiment fondés comme l’avaient montré Les Surligneurs.
Rappelons à toutes fins utiles que le cancer du sein est toujours le plus meurtrier chez les femmes en France avec plus de 12 100 décès par an. Pourtant, détecté tôt, le cancer du sein se guérirait dans 90 % des cas.
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