L’administration Trump n’aura pas perdu de temps. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, l’équipe du nouveau président des États-Unis aura démantelé l’Usaid, l’agence fédérale pour le développement, notamment humanitaire, à l’international. Symbole, pour eux, d’une administration trop dispendieuse, l’Usaid subit les coups de rabot du directeur du nouveau département d’État de l’efficacité gouvernementale (Doge), Elon Musk. Celui-ci a assuré vouloir supprimer purement et simplement l’Usaid et demandé aux employés de ne plus venir travailler.

Pour justifier ces mesures radicales, tout est bon à prendre… même des approximations et des fausses informations, et ce, au plus haut niveau de l’État.

Dans une conférence de presse, le 29 janvier 2025, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, développait les raisons du gel de financements de la plupart des programmes fédéraux des États-Unis (depuis, celui-ci a été suspendu par une juge). « Le Doge et l’OMB [Office of Management and Budget, ndlr] ont également découvert que 50 millions de dollars des contribuables allaient être dépensés pour financer l’achat de préservatifs à Gaza. Il s’agit là d’un gaspillage grotesque de l’argent des contribuables », a-t-elle déclaré.

Le matin-même, le président Donald Trump avait lui-même mentionné cette idée. « Nous avons identifié et empêché l’envoi de 50 millions de dollars à Gaza pour acheter des préservatifs pour le Hamas. […] Vous savez ce qui leur est arrivé ? Ils les ont utilisés pour fabriquer des bombes. »

Le 3 février, le Républicain n’a pas hésité à faire doubler ce chiffre lors d’une conférence où il tentait de justifier les raisons pour lesquelles Elon Musk avait accès aux systèmes de paiement du Trésor (celui-ci a été bloqué depuis, par un juge fédéral). « [Elon Musk] est un homme très talentueux du point de vue de la gestion et des coûts. […] Certains chiffres sont horribles… ce qu’il a trouvé… Pensez-y, 100 millions de dollars pour des préservatifs au Hamas. »

Malgré leur aplomb, cette affirmation est absolument fausse.

Des financements pour l’International Medical Corps ?

De quel argent parle le gouvernement états-unien ? Dans un article du New York Times, le département d’État états-unien a déclaré qu’il avait été fait référence à deux enveloppes de 50 millions de dollars pour l’International Medical Corps, une organisation non gouvernementale humanitaire.

Si l’ONG est bel et bien présente dans la bande de Gaza, elle réfute avoir reçu de l’argent pour acheter des préservatifs dans cette partie du monde. Dans un communiqué de presse, le 29 janvier 2025, l’International Medical Corps a déclaré avoir reçu plus de 68 millions de dollars de l’Usaid pour soutenir ses opérations à Gaza depuis le 7 octobre 2023.

« Nous avons utilisé ces ressources pour faire fonctionner deux grands hôpitaux de campagne actuellement situés dans le centre de Gaza — l’un à Deir Al-Balah et l’autre à Al Zawaida », développe l’ONG en précisant que ces activités, « largement financées par le gouvernement américain », avaient été menées en coordination avec « les autorités américaines, égyptiennes, israéliennes et la Croix-Rouge ».

« Aucun financement du gouvernement américain n’a été utilisé pour acheter ou distribuer des préservatifs, ni pour fournir des services de planning familial », tranche net le communiqué.

Alors que l’ONG avait reçu l’ordre d’arrêter de travailler fin janvier, le gouvernement états-unien financera finalement les services hospitaliers jusqu’à la mi-avril.

Serait-ce le Gaza du Mozambique ? Même pas.

En réalité, l’Usaid fournit bel et bien des financements pour la santé reproductive — dont l’achat de préservatifs — à travers le monde, mais le Moyen-Orient, où se trouve la bande de Gaza, n’en reçoit qu’une infime partie. Le dernier rapport de l’Usaid disponible qui date de l’année 2023, indique que 60,8 millions de dollars ont été dédiés à la contraception et aux préservatifs dans le monde. La majorité ont été dirigés vers le continent africain (89% – 54,3 millions), tandis que moins d’1% du total (45 681 dollars) ont profité au Moyen-Orient.

Certains commentateurs politiques ont suggéré que le Doge se serait trompé avec un homonyme. Il existe, en effet, une province de Gaza dans le sud du Mozambique et dans lequel l’Usaid a financé un programme pour la contraception. Sauf que les chiffres sont toujours bien en deçà de ce qui a été présenté. 

Pour l’année 2023, l’Usaid a mobilisé 5,4 millions de dollars pour les contraceptifs au Mozambique. D’autant plus que l’agence de développement états-unienne précise que « les contraceptifs injectables, les contraceptifs oraux et les implants représentaient la majorité des livraisons, ainsi qu’un petit nombre de stérilets ».

Autrement dit, il est toujours impossible de savoir d’où le Doge tire ces chiffres-là. Contacté, le département d’État ne nous a pas répondu. Le 11 février, confronté à cette fausse information qu’il a lui-même diffusée sur son réseau social, Elon Musk n’a pas démenti la fake news, et a estimé normal le fait de diffuser de fausses informations. 

« Certaines des choses que je dirai seront incorrectes, et devront être corrigées. Personne n’est parfait. Nous ferons des erreurs, mais nous agirons rapidement pour les corriger », a-t-il déclaré avant de réitérer la bévue en parlant du « nombre énorme » de préservatifs envoyés au Mozambique.

Ce n’est pas la seule fausse information que l’administration Trump a invoquée pour justifier les attaques à l’encontre de l’Usaid. En réalité, si le démantèlement de l’agence n’était pas dans le programme de Donald Trump, elle faisait bel et bien partie du Project 2025, une ligne de route ultraconservatrice rédigée par le think tank Heritage Foundation et que semble suivre actuellement le président Donald Trump.

L’agence de développement y était pointée du doigt. Ils écrivent : « L’administration Biden a déformé l’agence en la traitant comme une plate-forme mondiale pour poursuivre à l’étranger un programme politique et culturel qui sème la discorde et qui promeut l’avortement, l’extrémisme climatique, le radicalisme de genre et les interventions contre ce qui est perçu comme un racisme systémique. »

Aujourd’hui, le démantèlement de l’agence de développement a été mis en pause par la justice fédérale.

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