Non, l’UE n’impose pas à la France son budget, elle fixe des objectifs

Création : 11 octobre 2024

Auteur : Hugo Guguen, juriste

Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste

Source : Compte Facebook, le 8 octobre 2024

S’il est vrai que le budget de l’État français doit respecter certaines règles budgétaires, l’Union Européenne n’impose pas directement le budget de la France. Chaque pays conserve le pouvoir de décider de ses priorités, à travers le processus démocratique national.

Après avoir été mise en garde par la Commission européenne le 19 juin 2024, la France a été placée par le Conseil de l’Union européenne sous “procédure de déficit excessif” le 26 juillet. En cause, un déficit public de 5,5 % du PIB en 2023 et d’une dette publique dépassant les 110 % du PIB. La France n’a, en effet, pas respecté ses engagements budgétaires pris dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance.

Cette annonce a fait réagir de nombreux commentateurs et des internautes clament que l’Union européenne va désormais décider et imposer le budget français. C’est tout simplement faux.

Une Union qui ne contrôle pas mais coordonne

Au sein de l’Union européenne, à l’inverse de la politique monétaire, la politique budgétaire demeure une compétence nationale. Afin de coordonner les politiques budgétaires et d’éviter l’apparition de déficits budgétaires excessifs, les pays de la zone euro se sont dotés en 1997 d’un Pacte de stabilité et de croissance.

En vertu de ce dernier, les États membres doivent maintenir leur déficit public sous le plafond de 3 % du PIB, et leur dette publique sous les 60 % du PIB ou, s’ils ne respectent pas ces seuils, avoir une stratégie crédible pour remettre en quelques années les finances dans les clous.

Si chacun est libre d’apprécier la pertinence ou non de ces règles, il n’empêche que chaque pays conserve le pouvoir de décider de son budget.

La France, comme les autres États membres, dans le cadre du “semestre européen” doit soumettre ses projets de budget à la Commission européenne, qui le transmet au Conseil de l’UE où siègent les ministres des États membres. Ce conseil peut émettre des recommandations, mais c’est finalement à chaque État de décider de son budget.

Dans l’hypothèse où un État membre est en procédure de déficit excessif, ce qui est le cas de la France, il devra transmettre à la Commission un “rapport annuel d’avancement”, précisant sa trajectoire budgétaire sur les sept prochaines années.

Le Conseil de l’UE, en retour, adressera des recommandations particulières aux pays placés sous procédure de déficit excessif pour qu’ils retrouvent une trajectoire soutenable et réduisent leur déficit public de 0,5 point de PIB par an, comme le prévoient les règles européennes.

Si ces engagements ne sont pas respectés, des sanctions financières peuvent être envisagées et atteindre 0,1 % du PIB chaque année, soit près de 2,5 milliards d’euros pour la France. Une sanction – que chacun est libre de critiquer – mais qui reste bien loin du contrôle absolu des finances publiques françaises ou d’une mise sous tutelle comme affirmé parfois sur les réseaux sociaux.

En pratique, cette sanction a été imposée deux fois dans l’histoire de l’Union : en 2016, Portugal et Espagne ont écopé d’une sanction de… zéro euro, écrivaient déjà Les Surligneurs en 2022.

Un budget français élaboré loin de Bruxelles

Hormis les seuils fixés par le Pacte de stabilité et de croissance au niveau européen, l’élaboration et l’adoption du budget de la France suivent une procédure encadrée par la loi organique relative aux lois de finances ainsi que l’article 47 de la Constitution.

L’élaboration du budget national en France suit une procédure bien définie, qui se déroule généralement en plusieurs étapes. Le ministère des Finances élabore dans un premier temps un projet de budget en fonction des demandes des ministères et des prévisions de recettes. Un projet de loi de finances (PLF) est ensuite soumis par Bercy au Conseil des ministres pour approbation. Ce document détaille les prévisions de recettes et de dépenses pour l’année à venir.

Le PLF est alors transmis à l’Assemblée nationale, où il est examiné par la commission des finances et débattu par les députés qui peuvent proposer des amendements. Une fois voté, le budget est envoyé au Sénat pour examen. Les sénateurs peuvent également proposer des amendements. Si des modifications sont apportées, le texte retourne à l’Assemblée nationale pour approbation.

Le budget final est voté par l’Assemblée nationale, et ce avant le 31 décembre pour entrer en vigueur au 1er janvier. Une fois adopté, le budget est exécuté par le gouvernement, qui doit rendre compte de son exécution.

Cette procédure d’adoption d’un budget est le fruit du processus démocratique français et n’est en rien contrôlée par l’Union européenne.

 

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