Non, l’OMS ne veut (toujours) pas enseigner la masturbation aux moins de 4 ans
Autrice : Lili Pillot, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Antoine Mauvy, étudiant en droit à l’université Paris II Panthéon-Assas
Source : Post Facebook, le 29 juillet
Sur les réseaux sociaux, une théorie selon laquelle l’OMS voudrait imposer l’enseignement de la masturbation aux enfants de moins de 4 ans circule depuis 2014. Cette rumeur est fausse : l’institution onusienne a seulement fait des recommandations, sans jamais inciter à la masturbation.
Le bruit court depuis maintenant 10 ans : l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) voudrait enseigner la masturbation aux enfants de moins de quatre ans. En 2024 encore, des internautes continuent de diffuser cette information, notamment sur le réseau social Facebook.
Sauf que cette théorie est fausse : comme l’ont déjà démontré nos confrères de Libération en 2018 puis de l’AFP en 2023, cette rumeur est une interprétation erronée de vraies recommandations, émises par l’OMS en 2010. Les Surligneurs mettent à leur tour la main à la pâte pour retracer l’origine et décrypter la longévité de cette fausse information.
Informer les professionnels
Tout commence avec la publication d’un dossier de recommandations, élaboré à la demande de l’OMS en 2008 et publié en 2010, intitulé « Standards pour l’éducation sexuelle en Europe ».
L’objectif du dossier est de proposer aux professionnels de l’éducation européens une approche « positive » de la sexualité, qui se veut basée sur le dialogue dès le plus jeune âge. « Pour améliorer le niveau global de santé sexuelle, il est essentiel de donner aux enfants et aux jeunes une éducation adéquate en matière de sexualité », détaille le rapport.
Le dossier précise que pour la tranche des 0 à 4 ans, les préconisations recommandent d’informer sur la grossesse, le fonctionnement du corps humain, la naissance, le droit à la sécurité et à la protection et la masturbation.
Mais non, l’OMS n’a pas incité, invité ou encore recommandé la masturbation pour les enfants de moins de quatre ans. Par contre, l’instance onusienne évoque bien le sujet, mais sous un angle différent de celui largement diffusé sur les réseaux sociaux et parfois dans les médias.
Suite à cette publication, les critiques et les déformations commencent pourtant à émerger. En 2014, un mouvement de parents inquiets provoque le retrait de l’école de plusieurs élèves, écrivait Libération. À l’époque, des SMS circulent, affirmant, à tort, que des cours de masturbation sont dispensés dans certaines écoles maternelles.
Face aux critiques, l’OMS rappelle que ce rapport « est destiné aux professionnels (les professeurs et éducateurs), qui doivent être informés sur la variété des phénomènes naturels dans le développement psychosexuel des enfants, y compris, donc sur la masturbation infantile et les « jeux du docteur » « .
Simples recommandations aux États
Malgré les précisions, les démentis de l’OMS et les vérifications de médias, la fausse information continue de faire son chemin.
En 2017, un homme, qui se présente comme pédopsychiatre, réaffirme la même chose dans une vidéo qui deviendra virale sur YouTube, en ajoutant un brin de complotisme à la polémique, se rapprochant de la mouvance QAnon. « L’OMS ouvre la voie à la légalisation de la pédophilie », clamait-il dans l’enregistrement. Selon lui, l’OMS voudrait imposer les recommandations qu’il a faites en la matière aux États. Son discours resurgit en 2023, notamment sur Facebook.
Sauf qu’en plus d’être pure invention, l’OMS n’a de toute façon pas compétence pour légiférer au sein des États, y compris en droit pénal. Contactée par nos confrères de l’AFP, l’instance onusienne précisait qu’ »en ce qui concerne l’éducation sexuelle et toutes les autres questions, l’OMS ne donne pas d’instructions ou d’ordres aux pays sur ce qu’ils doivent faire. L’OMS fournit des guides pour les politiques et les programmes sur la base des résultats de la recherche et de l’expérience des programmes« . Les États étaient donc libres de suivre ou non ces recommandations.
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