Les Surligneurs est un média indépendant qui lutte contre la désinformation juridique.

rubriques
Crédit : Tael CC 3.0

Non, l’État n’a pas demandé à ce qu’un drapeau français soit enlevé d’un jardin

Création : 2 juin 2025
Dernière modification : 3 juin 2025

Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Relecteur : Nicolas Turcev, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clarisse Le Naour, Double cursus L3 science politique et L3 droit public à l’université Lumière Lyon II

Source : Publication X, le 2 juin 2025

La vidéo d’une personne à qui son syndicat de copropriété avait demandé d’enlever son drapeau tricolore en septembre 2016 est utilisée en juin 2025 pour faire croire que l’État aurait demandé à retirer l’étendard français d’un jardin.

 

Alors que la victoire du Paris Saint-Germain a fait flotter des milliers d’étendards du club dans les rues de la capitale, ce dimanche 1er juin 2025, c’est un autre drapeau qui alimente une polémique sur les réseaux sociaux. « L’État lui demande d’enlever son drapeau français pour éviter tout débordement », assure un internaute sur X, le 2 juin 2025, avec, à l’appui, une vidéo d’une femme lisant un courrier.

La publication est devenue virale après avoir été repartagée par un compte X, habitué d’un conspirationnisme débridé, comptant plus de 250 000 abonnés. Puis, la rumeur s’est propagée en dehors de la plateforme d’Elon Musk, notamment sur Facebook.

Si la vidéo est véridique et rapporte une histoire bien connue, celle-ci ne concerne pas l’État, mais un syndicat de copropriété… en 2016.

Un drapeau planté pour l’Euro de foot de 2016…

Dans la vidéo utilisée pour prouver la soi-disant demande de l’État de retirer un drapeau français, une femme lit un courrier qu’elle aurait reçu : « Suite à notre dernière visite d’immeuble, nous avons pu constater l’installation de votre drapeau français dans votre jardin. Nous tenions à vous remercier de votre patriotisme, mais sachant que les activités sportives estivales sont terminées, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir le déposer afin d’éviter tout débordement. »

Grâce à une recherche inversée rapide, il est aisé de retrouver la vidéo originale. Celle-ci a été publiée sur Dailymotion par Nice-Matin le 18 septembre 2016, avec pour titre : « Nice : Son syndic lui demande d’enlever le drapeau français de son balcon ». Dans le reste de la vidéo, ainsi que dans la légende, la femme développe le contexte dans lequel son syndicat de copropriété, Foncia, lui a envoyé cette lettre.

« J’ai mis le drapeau quelques jours avant la finale de foot [le 10 juillet 2016 à Saint-Denis, ndlr], raconte-t-elle. […] On avait des amis qui travaillaient en tant que bénévoles à l’Euro 2016 à Nice. Pour participer à leur action, on a mis le drapeau. »

… et l’attentat de Nice

Quelques jours après la finale sportive durant laquelle le Portugal a battu la France, la retraitée et son mari décident de laisser le drapeau. « Il y a eu le 14 juillet, alors là c’était surtout pour noter la fête nationale, et puis après avec les attentats [du 14 juillet 2016 à Nice qui a fait 86 morts, ndlr], on a dit ‘on fait comme à Paris, on laisse le drapeau’ en mémoire des victimes », précise la résidente.

La Niçoise explique que, pendant l’été, une personne du voisinage lui demande à plusieurs reprises d’enlever le drapeau. Chose qu’elle refuse de faire. C’est ainsi qu’elle finit par recevoir un courrier du syndicat de copropriété en date du 9 septembre 2016 – comme on peut le voir sur la vidéo – lui demandant de retirer l’étendard tricolore.

À l’époque, la lettre du syndic avait fait grand bruit et avait été largement reprise par des politiques de droite et d’extrême droite, comme Florian Philippot, Benoist Apparu ou encore Nicolas Dupont-Aignan, rapportait Libération. À tel point que le PDG de Foncia avait présenté des excuses en expliquant, sur Facebook, que l’entreprise condamnait l’action faite en local « qui ne reflét[ait] en rien la politique du groupe ».

La vidéo récemment postée sur les réseaux ne montre donc pas une demande de l’État, mais un simple différend de voisinage vieux de près de 10 ans. En réalité, pour le deviner, il suffisait de bien regarder la vidéo en question où l’on distingue nettement le logo de Foncia sur l’entête du courrier.