Non, les services du Premier ministre n’ont pas commandé 300 paires de chaussures pour 750 000 euros

Un Smic à chaque pied. Ou quasi. À l’heure des restrictions budgétaires, Matignon aurait-il commandé 300 paires de chaussures pour un total de 750 000 euros ? Soit 2 500 euros la paire. C’est en tout cas ce qu’affirment certains internautes sur les réseaux sociaux.

Mais cette rumeur est en fait le fruit d’une erreur. La commande existe bel et bien mais le montant est loin d’être aussi élevé. Les Surligneurs rembobinent.

Un engrenage d’erreurs

Le 13 janvier dernier, le journaliste économique François Lenglet décide de mettre les pieds dans le plat. Lors d’un débat (37 minutes et 25 secondes) sur « l’affaire du fauteuil à 34 000 euros » commandé par Gérard Larcher, sur LCI, il décide de pointer du doigt une autre affaire du même type : celle des « 300 paires de chaussures de Matignon ».

« Une entreprise française, Hodrige [sic, il s’agit en réalité de Hardrige], qui fabrique des chaussures, s’est fait commander par Matignon 300 paires de chaussures d’apparat, pour les réceptions de Matignon, donc 750 000 euros par an », rapporte François Lenglet.

Bien que le journaliste les médiatise, la première occurrence de ces chiffres semble être un papier des Echos, paru le 14 novembre dernier. Dans l’article titré « La maison iséroise Hardrige choisie pour chausser Matignon », on apprenait que « cette entreprise familiale […] fournira au personnel de Matignon des chaussures de représentation durant quatre ans : 250 à 300 paires par an seront ainsi livrées pour un montant de contrat s’élevant à 760.000 euros ».

Sauf que… l’article des Echos, qui est donc certainement la source de l’éditorialiste économique, est en fait erroné. Depuis corrigé, le chiffre donné dans l’article ne donnait pas la valeur de l’offre réelle mais la valeur maximale du marché. Explications.

Une confusion avec la valeur maximale du marché

Comme écrit dans l’article des Echos, la maison Hardrige a remporté « un appel d’offres des services du Premier ministre ». Pour avoir le fin mot de l’histoire, rendez-vous donc sur le site France Marchés qui permet d’accéder auxdits appels d’offres. Bingo, l’appel d’offres qui fait tant parler est bien là. Le lauréat du lot 0003 (les fameuses chaussures) n’est nul autre que « Les chaussures de la Bièvre Sarl », autrement dit la Maison Hardrige.

Le marché conclu le 9 octobre 2024, et qui avait d’ailleurs fait parler de lui dans d’autres médias, comme ici ou là, diffère néanmoins de celui décrit initialement par Les Echos. Écrite noir sur blanc, la valeur du contrat s’élèverait à « 27 234,00 EUR » par an. Bien loin donc des 750 000 euros.

Contacté par nos confrères de CheckNews, le PDG des chaussures de la Bièvre confirme l’erreur pour laquelle il tente un début d’explication. « La confusion dans l’article des Echos vient sans doute de moi : je ne pouvais pas lui donner mes prix, pour des raisons de concurrence, et je lui ai donc parlé de la valeur maximale du marché. »

Des propos confirmés par Matignon, aux Surligneurs : « S’agissant de la somme de 760 000€ rapportée, il ne s’agit pas d’un engagement de commande passée mais d’un plafond à ne pas dépasser sur une durée de 4 ans ».

Matignon a donc trouvé chaussure à son pied, à moins de 750 000 euros, contrairement aux dires qui circulent. Les petons des services du Premier ministre se chausseront en Maison Hardrige, pour les quatre années à venir, et ce, à 27 234,00 euros par an. 

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