Non, les médias ne passent pas sous silence les manifestations en Ukraine contre la corruption
Dernière modification : 29 juillet 2025
Autrice : Clarisse Le Naour, double cursus L3 science politique et L3 droit public à l’université Lumière Lyon II
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste
Clarisse Le Naour, double cursus L3 science politique et L3 droit public à l’université Lumière Lyon II
Source : Compte X, le 23 juillet 2025
Contrairement à ce qu’affirme un post viral sur Facebook, les manifestations en Ukraine ont bien été couvertes par les médias. Face aux critiques, Volodymyr Zelensky a d’ailleurs fini par rétropédaler.
Depuis plusieurs jours, un message publié par Silvano Trotta — un habitué des contenus erroné— est massivement partagé sur Facebook. Il affirme que les grands médias occidentaux ignorent volontairement les manifestations en Ukraine visant le président Volodymyr Zelensky, accusé de saper la lutte contre la corruption.
Selon ce post, relayé ensuite sur Facebook, les protestations auraient été déclenchées par une nouvelle loi supprimant l’indépendance des agences anticorruptions du pays. En réalité, ces événements ont été largement couverts par la presse.
Une couverture médiatique bien réelle
Contrairement aux allégations de ce post, les mobilisations ont fait l’objet d’une couverture importante par la presse. Le 22 juillet, la veille de la publication de Silvano Trotta, de nombreux médias français et internationaux avaient déjà traité l’évènement dans leurs colonnes. C’est le cas, entre autres, de TF1, de BFMTV, de RFI, de France24, de The Guardian, de Politico, de The Economist, ou encore de Bloomberg. On peut ajouter à cela des médias japonais, espagnols et la chaîne qataris la plus regardée du monde arabe, Al Jazeera.
Le lendemain, le 23 juillet, Le Monde — le quotidien national le plus lu en France — a publié un article titré « Ukraine : le vote d’une loi sapant l’indépendance de deux instances anticorruption déclenche de vastes manifestations », décrivant les rassemblements organisés à Kiev et dans d’autres grandes villes. Idem, chez son dauphin, Le Figaro, qui a également publié un article à ce sujet.
Le même jour, d’autres médias français ou internationaux — dont BBC News, Euronews, Mediapart, Courrier international — ont rapporté ces manifestations, la loi controversée, et la vive inquiétude qu’elle a suscitée dans la population ukrainienne. Les articles évoquent clairement la peur d’un recul démocratique et d’un affaiblissement des garde-fous anticorruption, alors même que le pays reste engagé dans une guerre d’envergure contre la Russie.
Et les médias ont continué à chroniquer cet évènement politique ukrainien après le 23 juillet. S’il fallait encore un exemple, Le Parisien – Aujourd’hui en France, l’un des quotidiens régionaux les plus lus en France, a publié quatre articles sur son site Internet entre le 23 et le 25 juillet 2025 (ici, ici, ici, et ici).
Du côté du Dauphiné Libéré, le journal régional qui couvre 9 départements de l’est de la France, les journalistes ont également couvert la promulgation de la loi, mais également le rétropédalage de Volodymyr Zelensky, le 24 juillet. Idem du côté de la Dépêche du Midi, qui couvre une vaste partie du sud de la France ou encore Ouest-France. Bien loin d’une omerta médiatique, donc.
Une réforme qui inquiète aussi les partenaires occidentaux
Le post viral laisse également entendre que ce prétendu silence médiatique serait motivé par des intérêts politiques et financiers : l’Ukraine étant un allié de l’Union européenne dans le conflit russo-ukrainien, les médias se tairaient pour ne pas nuire à cette alliance. Une accusation, là encore, qui semble infondée.
En réalité, la réforme controversée a suscité de vives réactions au sein même de l’Union européenne. L’UE a qualifié cette loi de « sérieux recul » et s’est dite « profondément préoccupée », comme l’ont rapporté, entre autres, la RTBF, TV5 Monde, France Info, Le Point ou le journaliste HugoDécrypte.
Dans ces articles, on apprend que les partenaires occidentaux de l’Ukraine ont fait part de leurs inquiétudes face à ce qu’ils perçoivent comme une atteinte aux engagements de transparence et de réformes exigés dans le cadre de l’aide européenne. Et que cette pression a sans doute poussé le président ukrainien à revoir ces projets.