Crédit : Suhairy Tri Yadhi

Non, les éruptions volcaniques ne produisent pas plus de CO2 que l’activité humaine

Création : 12 août 2024

Auteur : Clément François, journaliste 

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste 

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Post Facebook, le 5 août 2024

Sur Facebook, des internautes affirment que les volcans pollueraient davantage que les humains. Il serait donc dérisoire de changer nos comportements et nos modes de vie pour sauver la planète. C’est faux : les chercheurs estiment que les volcans polluent au moins 100 fois moins que l’activité humaine.

Dimanche 4 août, l’Etna, l’un des plus grands volcans encore en activité, s’est à nouveau réveillé en crachant des nuages de cendres et des coulées de lave. Et ce n’est pas le seul à s’être réveillé, ces impressionnantes images ont été l’occasion de faire revenir une petite musique sur les groupes climatosceptiques : les volcans pollueraient davantage que les humains. 

Ainsi, sur Facebook on trouve des phrases telles que “En une semaine, l’éruption de l’Etna a libéré autant de CO2 que 50 ans par les humains… alors, pédalez, ne vous chauffez plus, roulez électrique… pour rigoler !”. Ou encore : “Une seule éruption de l’Etna équivaut aux émanations de CO2 des pets des ruminants de la planète Terre pendant 1 an. Mais pour les malthusiens tout ça est la faute de l’Homme”.

Derrière ces discours se cache l’idée qu’il ne servirait à rien de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, puisque de toute façon la nature seule annulerait tous nos efforts. Ces démonstrations servent une parole très politique, mais elles sont fausses. Les Surligneurs font le point. 

Plusieurs gaz relâchés par une éruption

Une chose est vraie : les volcans émettent du dioxyde de carbone (CO2), un gaz à effet de serre, lorsqu’ils entrent en éruption. Ce n’est d’ailleurs pas la seule chose émise : un volcan en éruption relâche donc du CO2, mais aussi du dioxyde de soufre (SO2), du sulfure d’hydrogène (qui provoque la fameuse odeur “d’œuf pourri”) et des halogénures. 

Le magma [roche en fusion qui se forme à haute température, nldr] remonte rempli de gaz dissous”, explique Jacques-Marie Bardintzeff, volcanologue à l’université Paris-Saclay, qui publie aussi ses recherches sur son blog “Volcanmania”. “À la surface, la pression est moins forte, et ces gaz vont se transformer en bulles, un peu comme lorsqu’on ouvre une bouteille de champagne.” 

C’est d’ailleurs la concentration en gaz qui décide de la forme que va prendre l’éruption. Un magma pauvre en gaz va créer des coulées de lave, tandis que l’inverse donnera des nuages de cendres. 

Un volcan en éruption émet bien des gaz à effet de serre, mais cela ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan des émissions humaines, comme l’ont déjà montré nos confrères de l’AFP Factuel.

Une pollution importante à l’instant T mais sporadique

Sur les réseaux sociaux, les climatosceptiques ne sont pas tous d’accord sur les chiffres. Un post récent et très populaire montre une carte censée représenter les volcans en activité. “Il existe actuellement 29 volcans qui rejettent 120 000 tonnes de CO2 par jour dans l’atmosphère”, explique la publication qui poursuit, ironiquement : “mais les pets de vache changent-ils le climat ?” Le chiffre de 29 volcans en activité semble venir d’une carte du site Volcano Discovery, en revanche celui de 120 000 tonnes de CO2 par jour n’a aucune source a priori. 

Alors combien un volcan émet-il de CO2 lorsqu’il est en éruption ? Donner une estimation est déjà compliqué en soi, développe Jacques-Marie Bardintzeff : “Lors d’une éruption, des gaz s’échappent au niveau du cratère par les coulées de lave, par les nuages de cendres, mais aussi par les flancs du volcan, ce qui est plus difficile à quantifier.”

Une étude américaine de 2019 estimait que les éruptions volcaniques annuelles produisent entre 0,28 et 0,36 gigatonne par an. Une autre étude de la même année présentait une fourchette plus large, mais plus basse : entre 0,05 à 0,36 gigatonne de CO2. Si l’on divise cela par le nombre de jours dans l’année, on arrive même à un nombre plus important que celui proposé par l’internaute (selon les estimations entre 136 986 et 986 301 tonnes par jour). 

Un volcan produit émet beaucoup de CO2, certes, mais tout est une histoire de proportions. Quid de l’impact des volcans par rapport aux activités humaines ? Pour Jacques-Marie Bardintzeff, il ne faut pas se laisser impressionner par ces grandes éruptions : “En moyenne, les humains produisent entre 100 et 300 fois plus de CO2 que les volcans.”

D’après le dernier rapport du GIEC, les émissions anthropiques nettes de gaz à effet de serre ont été estimées entre 52,4 et 65,6 gigatonnes de CO2.

Peu importe leur forme, les éruptions que l’on peut observer fréquemment sont à relativiser, car il n’a pas été prouvé qu’elles peuvent avoir des effets à long terme. Selon un rapport du GIEC, ces phénomènes sont classés dans les causes “naturelles” du changement climatique, et n’impactent que faiblement le climat. En effet, contrairement à l’activité humaine qui est continue, ces éruptions sont sporadiques, ce qui va laisser à la biomasse le temps d’absorber ces gaz. 

Et si les éruptions faisaient baisser les températures ? 

Ce rapport ajoute que même si elles devaient impacter le climat, ce serait plutôt pour faire baisser les températures globales, ce que confirme une étude de l’institut géologique des États-Unis. En effet, si les éruptions volcaniques produisent du dioxyde de carbone, responsable de l’augmentation des températures, elles rejettent aussi du dioxyde de soufre qui, une fois transformé en aérosols, va avoir l’effet inverse. Les Surligneurs s’étaient déjà penchés sur le phénomène des émissions de particules fines qui ont cet effet refroidissant.

Impossible donc de prétendre que les volcans émettent plus de gaz à effet de serre que les activités humaines. C’est tout simplement faux. 

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